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Quelle École opposer aux modèles proposés actuellement ?

Un projet alternatif à quoi ?

  1. Au système éducatif actuel pris en étau entre une forte demande sociale de formation, la difficulté réelle à y répondre, et des désaccords grandissants sur les solutions à apporter.

Ce système se caractérise notamment par :

  • Des personnels soumis à des injonctions paradoxales, autoritaires, managériales de la part des hiérarchies.
  • L’absence totale de bilan des « réformes » précédemment engagées qui renforce le sentiment d’inachevé, voire d’inutilité de celles-ci.
  • Un discours niant les réussites, présentant l’École comme un champ de ruine, et favorisant toute forme de privatisation.

Notre objectif est le développement du service public d’éducation, seul capable de réduire les inégalités.

  1. A nombre de projets politiques qui ont en commun des orientations que nous contestons :

  • Remise en cause non explicite mais bien réelle de la visée émancipatrice (mise en concurrence ; primat de l’employabilité ; introduction de « bonnes pratiques » validées par des « experts » extérieurs au champ éducatif ; nouveau management public).
  • Eclatement de la notion de Service Public via l’autonomie de l’établissement et la marche vers la définition locale des contenus, des horaires, des modes d’organisation.
  • Remise en cause du statut des personnels enseignants : recrutement, service, statut, missions.

Pour ces projets, la seule réponse possible à la difficulté scolaire est celle de l’individualisation, posture idéologique dévoilant finalement une conception de la société : remise en cause du caractère collectif des apprentissages (à l’école on apprend avec les autres, des autres, grâce aux autres) qui fondent la solidarité. Cette conception des rapports sociaux porte en germe la dérive du repli sur soi et ce qu’il peut renforcer (la xénophobie, le racisme, …).

  1.   A d’autres projets syndicaux

Les projets conservateurs, voire réactionnaires, qui entérinent les inégalités et dont la finalité peut se résumer à revenir aux solutions du passé, à un prétendu âge d’or du système éducatif qui dans les faits n’a jamais existé. Ambitieux pour les meilleurs, limités aux « fondamentaux » pour les autres.

Les projets qui annoncent une réduction des inégalités, mais qui – faute d’investissement – portent au final une logique « humanitaire » qui diminue l’offre de formation et en renvoie une partie en dehors de l’école (cf. les rythmes scolaires), tout en s’appuyant sur certaines notions : compétences clés européennes (employability skills), l’école bienveillante, inclusive, « les éducations à ». Ces projets s’organisent sur le principe d’un abandon des savoirs, soi-disant disponibles partout, au profit d’une approche comportementaliste.

Ces deux types de projets portent ensemble la prétendue impossibilité de faire accéder toute une classe d’âge à un haut niveau de connaissances, et cherchent en conséquence à organiser « naturellement » la division sociale à venir avec 50% d’une classe d’âge au niveau licence, les autres s’orientant vers la constitution d’une main d’œuvre bon marché.

C’est donc une autre voie que doit ouvrir la FSU et ses syndicats nationaux.

L’école de demain ne peut pas être celle d’aujourd’hui. L’élévation du niveau de formation et de qualification de l’ensemble des générations à venir est un enjeu sociétal majeur. La société aura b soin de citoyens et citoyennes beaucoup plus cultivé.es et responsables pour faire face aux défis écologiques, démocratiques, à ceux induits par le développement du numérique.

L’école de demain ne peut pas être celle d’aujourd’hui. L’élévation du niveau de formation et de qualification de l’ensemble des générations à venir est un enjeu sociétal majeur.

Nous devons penser, articuler, rendre opérationnel une éducation de masse et de qualité pour tous et toutes. Cela ne se fera pas à moyens constants, a fortiori en diminution. Un investissement éducatif de très haut niveau doit être engagé sans attendre. L’objectif de dépasser les 7% du PIB pour le budget de l’Education nationale doit être mis en perspective. Il s’agit d’une dimension incontournable même si à elle seule, elle ne peut pas suffire à transformer durablement le système éducatif.

Les axes politiques d’un projet alternatif

Quatre grands principes nous guident : le « tous éducables », la question centrale des inégalités, le triptyque émancipation / acculturation / démocratisation, une école pensée en premier lieu pour ceux et celles qui ne sont pas en connivence avec la culture scolaire.

1.  « Tous éducables »

Dans une société rongée par le repli sur soi, le racisme, la xénophobie, l’idéologie des dons (relookée dans le « à chacun selon son talent, ses goûts, son appétence, son projet personnel, »…), reprennent de la vigueur. Le sentiment de fatalité est bien présent. Il s’est déplacé sur la notion de « handicap socio-culturel » qui justifierait une approche moins ambitieuse pour les élèves des milieux populaires et devrait se limiter à des « fondamentaux ».

A l’inverse, beaucoup de travaux montrent l’étendue des possibilités de développement dont est pourvu tout humain, à condition qu’il soit sollicité. Il y a donc un enjeu humaniste et progressiste à donner corps au « Tous Educables », à convaincre qu’une école égalitaire peut permettre d’échapper aux déterminismes sociaux, mais aussi culturels, sexués et ouvre des perspectives et des pouvoirs d’agir à toutes et tous.

2.  La réduction des inégalités

Les inégalités au plan social ne cessent de s’accroître parce que les mécanismes de répartition des richesses (services publics, protection sociale,…), sont fortement remis en cause. L’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’a jamais été aussi grand, la classe moyenne étant actuelle- ment tirée vers le bas.

Dans notre pays, ce sont entre 1.5 million et 3 mil- lions d’enfants scolarisés qui vivent dans un milieu familial en dessous du seuil de pauvreté (cf. le rap- port Delahaye). Il y a une corrélation directe entre grande pauvreté et difficulté scolaire.

Si l’école est en grande difficulté pour prendre en charge cette dimension qui la dépasse, elle n’est pas exempte de responsabilités propres : son mode de fonctionnement contribue aussi à amplifier les écarts. Le système éducatif fait réussir une grande partie des élèves scolarisés (qui sont au- dessus de la moyenne des évaluations internationales), mais il est en échec avec les élèves des milieux les plus éloignés de la culture scolaire.

Cette question nourrit le sentiment d’injustice, de relégation sociale, terreau de toutes les formes d’extrémisme et de radicalisation les plus folles.

3.  Émancipation, acculturation, démocratisation

Ces trois dimensions sont articulées.

 L’émancipation

Il s’agit en premier lieu de donner du pouvoir d’agir, de penser par soi-même et avec les autres. S’émanciper, c’est sortir de l’assignation à résidence culturelle, cognitive, sociale, sportive, artistique, … organisée par les classes dirigeantes pour conserver leurs privilèges. C’est aussi s’émanciper des préjugés et stéréotypes sexués. C’est un enjeu majeur pour « permettre à tous les jeunes de devenir des citoyens éclairés » et de faire ainsi l’apprentissage de la démocratie.
Cependant, affirmer que l’école doit émanciper nécessite de revoir en profondeur sa structure, son fonctionnement, ses méthodes pédagogiques, qui trop souvent relèvent de l’apprentissage de la soumission ou du formatage. Cela suppose de revoir ses contenus avec des savoirs qui prennent mieux en compte la diversité des cultures, notamment celles des milieux populaires.

Cependant, affirmer que l’école doit émanciper nécessite de revoir en profondeur sa structure, son fonctionnement, ses méthodes pédagogiques, qui trop souvent relèvent de l’apprentissage de la soumission ou du formatage.

 L’appropriation d’une culture commune

L’appropriation des éléments les plus essentiels de la connaissance produite par l’humanité, dans sa diversité mais aussi en retenant les savoirs les plus universels, devient dans ce cadre un objectif primordial à opérationnaliser dans les disciplines scolaires. Le processus d’acculturation (à la fois processus et résultat de cette « appropriation ») est l’outil principal de l’émancipation.

A ce propos, le plan Langevin-Wallon de 1947 est toujours d’actualité « La culture générale représente ce qui rapproche et unit les hommes. Une culture générale solide doit donc servir de base à la spécialisation (…) Dans un état démocratique, où tout travailleur est citoyen, il est indispensable que la spécialisation ne soit pas un obstacle à la compréhension de plus vastes problèmes et qu’une large et solide culture libère l’homme (…) Elle doit donc être le point de rencontre, l’élément de cohésion qui assure la continuité du passé et de l’avenir».

Cela nous oblige à repréciser les contours de la culture scolaire commune. Par exemple, la tradition « intellectualiste » de la culture persiste, le mépris pour le travail physique s’est transformé en sous-estimation générale du « physique » et du « corporel ». Cela conduit, au sein du système éducatif, à minorer la référence à tout ce qui est relatif au travail, au travail manuel, aux techniques. Nous considérons qu’il est primordial dans notre projet d’inclure fortement la culture technologique qui permet de penser le monde de la technique, de s’y inscrire et d’agir sur lui.

 La démocratisation

Emancipation et culture commune ne doivent pas être réservées à quelques privilégiés. Il s’agit d’opérer un bond qualitatif majeur permettant de dépasser la phase de massification du système éducatif qui a produit des effets mais qui ne progresse pas depuis 20 ans. C’est l’enjeu de la scolarité obligatoire à 18 ans, et les possibilités de formation tout au long de la vie. Cette question de la démocratisation est au cœur des clivages politiques.

4.  Une école pensée pour ceux et celles qui n’ont que l’école pour entrer dans les apprentissages scolaires

Notre posture est théorique et politique. Nous ne souhaitons pas partir d’une approche neutre, ou idéale, voire fantasmée de « l’Elève », mais de la réalité et de la difficulté actuelles du système éducatif : faire réussir celles et ceux qui sont les plus éloigné.es des attendus implicites de l’école.

L’école doit être conçue, pensée, organisée à partir de l’analyse des besoins des élèves les plus éloignés, au départ, de la culture scolaire.

L’école doit être conçue, pensée, organisée à partir de l’analyse des besoins des élèves les plus éloignés, au départ, de la culture scolaire. Il s’agit d’un changement de paradigme : placer au centre du système éducatif la réussite des élèves des milieux défavorisés. Cela a des implications sur toute l’organisation du système et l’ensemble du couple enseignement/apprentissage.

L’organisation du système éducatif

Articuler éducation de masse et qualité ouvre un chantier considérable :

  • La conception d’une éducation de masse passe obligatoirement par l’exigence de l’obligation scolaire et le refus de toute forme de discrimination.
  • La question de la qualité -pour tous et toutes- renvoie à la fois aux conditions d’étude et aux contenus.

La problématique centrale est donc celle d’un système unique (un service public d’éducation) qui ne soit pas pour autant uniforme. Nous soumettons au débat 3 grandes propositions : le temps scolaire, la mixité sociale, la fonction des étapes de la scolarité obligatoire.

Le temps scolaire

Il n’y aura pas d’évolutions positives pour les jeunes les plus en difficulté sans une augmentation significative du temps scolaire, ce que le SNEP traduit depuis les années 80 par « Plus et mieux d’école ». Il s’agit donc bien, et de façon prioritaire, de permettre à ceux qui en ont le plus besoin de disposer du temps, donc des structures, nécessaire à l’appropriation des éléments de savoirs jugés indispensables à un moment donné.

Or le temps obligatoire, encadré par des enseignants formés, tend à se réduire. Il faut inverser ce processus reposant sur des croyances ou une logique comptable qui masquent en fait une « désinstitutionnalisation » de l’école.

L’augmentation du temps scolaire peut prendre différentes formes qui se combinent :

1.  Une scolarité obligatoire de 3 à 18 ans

Cette décision a pour conséquence majeure de repenser en totalité l’organisation de la scolarité obligatoire, donc d’envisager des évolutions qui sont difficilement opérationnelles ou crédibles en dehors de cette perspective. L’expérimentation rendue possible Outre-Mer par la loi sur l’égalité réelle doit être généralisée immédiatement. L’école maternelle doit accueillir les enfants de 2 ans dans de bonnes conditions dès lors que les familles le souhaitent (passerelles avec les crèches).

2.   Une clarification du contenu et de la fonction des différents temps scolaires

Le temps scolaire n’est pas homogène et doit com- porter plusieurs dimensions :

  • le temps principal est celui de l’étude (c’est le temps de cours), consacré à l’appropriation de connaissances et à ce que cela implique (entrainement, répétitions, évaluation)
  • un temps doit être consacré au travail personnel pour prolonger le temps d’étude (globalement le temps consacré aux devoirs post et pré temps de cours)
  • un temps consacré au travail sur projet (en plus des cours) de type disciplinaire ou pluridisciplinaire, inscrit dans la durée (plusieurs semaines)
  • un temps de pratique culturelle proposé et encadré au sein de l’établissement scolaire

L’ensemble de ces temps font partie du temps scolaire que nous proposons de rendre obligatoire

3.    Reposer la question de la journée, de la semaine, de l’année scolaire

Sachant que le temps hors école contribue à accentuer les inégalités (rapport du CNESCO sur les inégalités à l’école, septembre 2016), l’école doit proposer que soit réalisée en son sein, gratuitement, une aide au travail et une ouverture culturelle riche et des dispositifs où les élèves pourront s’essayer à la construction démocratique de projets. Cela nécessite de retravailler l’amplitude de la journée scolaire, l’organisation de la semaine et celle de l’année scolaire.

4.  DHG et effectifs par classe

La dotation horaire des établissements doit augmenter pour allonger l’horaire élèves et mettre en place les 4 temps ci-dessus. Par ailleurs, la baisse des effectifs de classes est une autre forme d’augmentation du temps scolaire pour mettre tous les élèves en situation d’étudier et de travailler en groupe, et à l’enseignant.e de différencier son enseignement.

La mixité sociale des établissements scolaires

« Si la ségrégation a des effets très négatifs sur les apprentissages des élèves en difficulté, l’absence de mixité sociale est aussi particulièrement nocive pour le climat scolaire et la construction de futurs citoyens, qu’ils soient issus de milieux socialement défavorisés ou aisés » (rapport Cnesco) ». L’entre- soi, quel qu’il soit, pénalise tous les élèves.

En conséquence, il est nécessaire de s’attaquer à la ségrégation sociale qui se cristallise sur certains territoires, dans certains établissements, via la ségrégation entre classe et/ou dans les contenus proposés.

Cela nécessite de reposer la question de l’enseignement privé, de son financement et des avantages dont il bénéficie parce qu’il accentue la ségrégation sociale.

Cette situation est le résultat de politiques nationales et locales conduites dans les territoires depuis des dizaines d’années qui nécessite une approche systémique du problème : implantation des établissements scolaires, urbanisme, transport.

Compte tenu de la complexité et diversité des situations locales concrètes, il est nécessaire de s’engager dans un processus, inscrit sur le long terme, impulsé à partir d’une volonté politique nationale, prenant en compte la particularité de chaque territoire (région, département, communauté de communes, communes).

Nos structures syndicales départementales et régionales auront un rôle majeur à jouer dans l’élaboration de schémas de carte scolaire alternatifs. Par exemple, créer des bassins de proximité réunissant plusieurs établissements, comprenant les établissements privés sous contrat, et contraignant des équilibres entre ces établissements.

Notons ici un point peu abordé en général : la qualité des infrastructures (locaux, équipements sportifs, équipements numériques) est un facteur important dans l’offre scolaire. On doit s’assurer que tout le monde ait accès à des conditions d’étude correctes dans des établissements à taille humaine.

Notons ici un point peu abordé en général : la qualité des infrastructures (locaux, équipements sportifs, équipements numériques) est un facteur important dans l’offre scolaire. On doit s’assurer que tout le monde ait accès à des conditions d’étude correctes dans des établissements à taille humaine.

Les étapes de la scolarité obligatoire

Dans le cadre d’une scolarité obligatoire d’amplitude 3 ans-18 ans, nous proposons de garder l’organisation de la scolarité obligatoire en 4 étapes qui sont à la fois en continuité les unes par rapport aux autres, et provoquent aussi les ruptures nécessaires pour grandir :

  1. L’école maternelle fait entrer dans la dimension collective des apprentissages et assure ainsi une fonction essentielle de scolarisation et socialisation. Elle permet la structuration du langage oral et l’entrée progressive dans la culture. Elle joue un rôle déterminant pour la suite de la scolarité.
  2. L’école primaire fait franchir un cap en organisant l’accès à la connaissance qui relève de l’activité conceptuelle. Elle organise une disciplinarisation progressive des contenus enseignés. La garantie pour tous d’une entrée dans la culture écrite est un élément prédictif majeur de réussite scolaire. « Toutes choses étant égales par ailleurs, le niveau d’acquis en 6e joue plus sur le destin scolaire des jeunes que le sexe, l’origine sociale, le lieu de résidence, le type d’établissement, ou encore l’âge d’entrée en 6e » (INSEE, 2017).
  3. Le collège doit simultanément organiser l’élargissement des savoirs abordés et assurer un droit à s’engager dans l’étude systématique et l’approfondissement, l’autonomie et le travail personnel. Comment permettre à tous d’approfondir sans recréer un système d’options qui structure la ségrégation intra établissement ? Les expériences menées par les collègues de lycée en EPS avec la conception des menus d’APSA peuvent nous inspirer. Il serait possible de coupler des options entre elles pour éviter d’enfermer les élèves dans des choix ségrégatifs socialement, par exemple maths et EPS, français et technologie… Dans le même temps, le soutien aux élèves les plus en difficultés doit être organisé au sein de la classe et sur le temps d’étude du soir.
  4. Le lycée doit permettre une élévation générale du niveau de qualification sous des formes diversifiées. Il doit à la fois s’appuyer sur les points forts construits par les élèves au cours de leur scolarité antérieure et continuer d’assurer une culture commune. Les élèves acquièrent une réelle autonomie de pensée. Les 3 voies actuelles (générale, technologique, professionnelle) doivent être réinterrogées. Le pas en avant à réaliser doit porter sur un rééquilibrage intégrant simultanément un cadre commun de culture générale et les savoirs issus du monde du travail et des pratiques professionnelles. Le lycée doit être préparatoire à une poursuite d’étude.

Ce que les élèves doivent apprendre

Si les programmes 2015 ont gardé pour la plupart des disciplines un fort ancrage national (l’EPS faisant exception), la question du niveau d’acquisitions exigé reste mal posé et incite à l’adaptation locale avec le développement des politiques d’autonomie. Rajoutons pour l’EPS l’indigence en matière de politique de construction et d’accès aux installations sportives qui accentue cette logique.

Le rapport du CNESCO, déjà cité, pose comme hypothèse qu’un enseignement unique engendre et amplifie les inégalités … « Il ne s’agit donc plus de concevoir une école avec une unique offre de formation ». L’unicité des contenus contribuerait donc à créer des écarts et des échecs.

Nos propositions actuelles reposent sur un corpus revendicatif qui nous guide mais qui est, pour l’instant, trop général pour conte-carrer cette offensive.

  • « C’est l’élévation du niveau de qualification qui est source d’émancipation pour les jeunes et un bienfait individuel et collectif.
  • Les contenus disciplinaires doivent être définis par des programmes nationaux précisant ce qu’il faut enseigner et ce que les élèves doivent savoir et savoir-faire.
  • L’acquisition d’une culture commune s’appuie sur des éléments incontournables conçus dans chaque discipline comme des passages obligés pouvant être abordés à des moments différents de la scolarité.
  • Penser les contenus dans la durée pour donner aux élèves le temps nécessaires aux apprentissages ; les contenus disciplinaires doivent être pensés pour ceux qui n’ont que l’école pour comprendre, et être construits en cohérence pour davantage faire sens ».

La question du choix des contenus de savoirs que l’école doit retenir à des fins d’appropriation pour tous est centrale.

Nous devons donc aller plus loin dans les propositions pour concrétiser ces orientations. La question du choix des contenus de savoirs que l’école doit retenir à des fins d’appropriation pour tous est centrale. Pour y répondre, nous proposons de traiter trois aspects : le rapport national / local, la question curriculaire, l’aide aux élèves en difficulté.

Le rapport national/local

Dénoncer le localisme n’est pas suffisant. Nier les écarts connus, vécus par nos collègues entre ce qui se passe d’un établissement à un autre, voire à l’intérieur d’un même établissement serait un déni de la réalité.

Qu’est-ce qui relève du niveau national ? Qu’est-ce qui peut ou doit être renvoyé à la décision locale ?

Dans le contexte rénové tel que décrit précédemment, c’est-à-dire un contexte où prime l’investissement éducatif et les collaborations, un point d’équilibre doit pouvoir être trouvé entre des obligations nationales (programmes, horaires, effectif maximum des classes, diplômes) et des possibilités locales dans la mise en œuvre décidées collégialement par les personnels.

Il s’agit alors de libérer les initiatives locales dans le cadre de programmes nationaux qui doivent indiquer clairement ce que les élèves doivent apprendre de manière incontournable. Il revient à chaque enseignant de construire les dispositifs d’apprentissage et de les mutualiser au sein des équipes disciplinaires et pluridisciplinaires de l’établissement, dans le cadre d’un débat professionnel national. L’enseignant peut alors exprimer sa liberté pédagogique et son expertise au sein du collectif que représentent son équipe et le métier dans son ensemble. Cela suppose de donner un statut totalement nouveau à la formation et au travail en équipe.

La question curriculaire

Ce qu’on entend aujourd’hui par « approche curriculaire » revient finalement à une chose assez simple : concevoir des programmes non cumulatifs qui intègrent des étapes et des priorités tout au long de la scolarité.

Nous proposons de croiser deux dimensions : celles des passages obligés dans l’appropriation des savoirs et celles des âges. Cela doit nous conduire à définir (ou à redéfinir) les contenus prioritaires à chaque étape. Ce n’est pas un repli sur les apprentissages dits « fondamentaux », mais une articulation fonctionnelle entre les étapes de la scolarité et leurs contenus qui donnent du sens aux apprentissages. L’école doit donc dire comment elle structure la progressivité des apprentissages, donne des repères, et est organisée pour que tous les élèves accèdent effectivement à ces apprentissages.

Ainsi, l’approche curriculaire peut donner une vision globale de la formation. Elle ne doit pas être opposée à la nécessité pour certaines disciplines (mais pas forcément toutes) de disposer de repères annuels précis. Nous plaidons pour une conception non dogmatique de l’approche curriculaire et des programmes disciplinaires annuels. Une articulation « intelligente » des deux peut constituer une aide précieuse pour les enseignants afin de construire la réussite scolaire pour leurs élèves.

Le pas en avant à réaliser à l’étape actuelle doit partir d’un état des lieux et engager des controverses professionnelles : les redondances programmatiques et leur utilité ; l’explicitation des notions centrales à chaque étape de la scolarité ; la place réelle du temps d’enseignement dans le temps scolaire. Il faut éclaircir nombre de notions pour éviter les faux débats du type culturalisme vs développementalisme ou accès aux savoirs vs accès aux compétences transversales.

L’aide aux élèves en difficulté

Il y a trois défis à relever simultanément :

  • Des pratiques pédagogiques coopératives. Pour répondre à la diversité des élèves, à leurs difficultés, pour anticiper leur apparition, le système éducatif doit pouvoir mettre en place des dispositifs favorisant la prise en charge de tous les élèves dans la classe. Cela implique de concevoir la classe comme un véritable collectif d’apprentissage et d’avoir la possibilité de développer la coopération des élèves dans l’apprentissage et de diversifier les approches pédagogiques.
    Le volume de la dotation horaire de l’établissement doit donc être augmenté de façon significative pour permettre le développement de ces pratiques (dédoublement, travail en groupes, co intervention, …).
  • La prise en charge de la difficulté scolaire à chaque étape de la scolarité. Le passage d’une pédagogie « implicite » (fondée sur des attendus scolaires que seuls décodent les enfants des milieux favorisés) à une pédagogie « explicite » devient crucial et impose de center la formation des enseignants sur des contenus porteurs d’exigence intellectuelle pour chaque élève.
  • La prévention de son apparition : cela suppose d’engager – donc d’y être formé pour les enseignants – un travail permanent et d’exercer une vigilance sur comment l’échec se construit. Dans ce cadre, l’école primaire doit être une priorité politique et les moyens doivent lui être donnés pour faire en sorte que ce qui doit être acquis par chaque élève le soit effectivement : l’entrée dans le monde de l’écrit en dehors duquel rien n’est possible. Ces acquis doivent être confortés au cours des autres étapes de la scolarité, en particulier au moment de l’adolescence où d’autres formes d’échecs scolaires peuvent se construire.

Le redoublement a fortement diminué à partir d’une approche essentiellement comptable. Dans le même temps, son efficacité réelle est un objet de débat parce que loin d’être prouvée.

Nous proposons de sortir de cette ambiguïté en proposant que le redoublement soit officiellement supprimé (sauf cas extrême, maladie longue par exemple), tout en faisant des propositions concrètes pour la remédiation, sans laquelle la suppression pure et simple du redoublement serait contre-productive.

Le redoublement a fortement diminué à partir d’une approche essentiellement comptable. Dans le même temps, son efficacité réelle est un objet de débat parce que loin d’être prouvée.

Dans le cadre d’une scolarité obligatoire portée à une durée de 15 ans (3-18 ans) contre 10 ans actuellement (6-16 ans), la suppression du redoublement imposerait à l’Education nationale de trouver des solutions à la difficulté, à l’échec et au décrochage scolaire en son sein, et non de s’en remettre à des solutions d’externalisation de la difficulté scolaire.

A l’étape actuelle, l’augmentation du temps disponible en petits groupes, la formation des enseignants, semblent incontournables tout comme le maintien de structures spécifiques (Segpa, classes relais, Ulis, …).

Mais nous proposons un vaste plan d’expérimentation par les enseignants de dispositifs conçus et mis au point par eux, et pour lesquels ils auront les moyens de leur réalisation. Par exemple, développer la co-intervention, mettre des classes en parallèle pour faire momentanément des groupes de niveaux, et collaborer avec des équipes de recherches pour mieux comprendre le fonctionnement des élèves en difficulté au sein de la classe, etc.

Des personnels concepteurs

La dévalorisation salariale et symbolique des enseignant.es crée une crise de recrutement dans de nombreuses disciplines (pas en EPS pour le moment) et territoires et tend à faire du métier d’enseignant un « petit métier », voire un « métier de passage ».

La logique managériale, la multiplicité des réformes et injonctions qui éloignent les enseignant.es du cœur du métier, la faiblesse de la formation initiale et continue ont pour conséquence une perte de sens du métier, une souffrance au travail et un repli sur soi pour beaucoup d’enseignant.es dont il est impératif de sortir si l’on veut que notre projet éducatif puisse vivre.

Il n’y aura pas d’évolutions ou de transformations significatives sans une implication majeure des personnels. Il faut qu’ils soient pleinement concepteurs de la construction des évolutions du système éducatif : une profession hautement qualifiée, pleinement reconnue en tant que telle, dont le cœur de métier est la transmission / appropriation de connaissances par les élèves.

Il n’y aura pas d’évolutions ou de transformations significatives sans une implication majeure des personnels. Il faut qu’ils soient pleinement concepteurs de la construction des évolutions du système éducatif : une profession hautement qualifiée, pleinement reconnue en tant que telle, dont le cœur de métier est la transmission / appropriation de connaissances par les élèves.

Le glissement actuel  du  didactique  (enseignement / apprentissage) vers des aspects dits « éducatifs » nie en réalité leur spécificité professionnelle : celle d’être d’authentiques éducateurs via l’acquisition de savoirs.

Les enseignants éprouvent une grande solitude face à la difficulté scolaire et sont actuellement condamnés à tâtonner pour faire réussir leurs élèves.

Sans le développement ambitieux de la recherche, il n’y aura pas de progrès significatif de l’enseignement. Et cela continuera à peser sur la formation initiale et continue des personnels.

Un métier qui s’apprend

Les évolutions ne seront possibles qu’en s’appuyant sur des personnels formés, préparés au travail collectif (disciplinaire, interdisciplinaire et interprofessionnel), reconnus dans leurs savoirs et leur spécificité professionnelle, disposant de la liberté d’exercice découlant de leur métier de conception.

Cette spécificité professionnelle doit se traduire par :

  • Un équilibre, à reconstruire en permanence, entre une prescription nécessaire (ce que la Nation estime qu’il doit être appris, donc enseigné, sur l’ensemble du territoire) et un espace d’autonomie consubstantiel au métier de conception.
  • Une articulation entre un statut, des missions, et une organisation réglementaire du service : le maintien d’un statut particulier, dérogatoire à celui de la fonction publique d’Etat, est essentiel.
  • Une rupture avec la logique managériale de pilotage par la performance et le contrat d’objectifs qui occulte le vrai débat à avoir sur l’organisation et l’efficacité du système éducatif !

Le développement de la coopération entre élèves que nous souhaitons ne se fera pas si simultanément le travail en équipe n’est pas encouragé et facilité pour les enseignants. La perspective d’institutionnaliser, dans le temps de travail, une plage horaire de concertation pour les personnels, semble donc indispensable.

Au-delà, pour faire face aux multiples défis qui sont les siens et réponde aux besoins, les seuls enseignant.es ne sauraient suffire. Équipes de direction complètes, CPE, documentalistes, Co Psy, assistantes sociales, infirmières, médecins scolaires, personnels administratifs d’entretien, de restauration, sont indispensables. Ils doivent être bien formés, bien rémunérés et bénéficier de conditions et temps de travail leur permettant d’assumer leurs tâches et de travailler en équipes.

Repenser la formation initiale

Qualifiés au niveau master, cadre A de la fonction publique, les enseignant.es doivent être en capacité de concevoir leur enseignement, de travailler en équipe. Il s’agit, collectivement, de devenir une profession en capacité de peser sur toutes les décisions concernant le métier. Une profession forte est une profession bien formée. La formation initiale doit traiter en priorité des problématiques didactiques (articulation enseignement / apprentissage) enrichis des recherches en éducation. A l’instar de la médecine (qui a progressé grâce à la recherche en médecine et pas seulement sur l’engagement, les « bonnes pratiques » ou les innovations des médecins), la formation des enseignants ne peut progresser que grâce à un effort sans précédent de développement de la recherche et de sa diffusion auprès des enseignant.es, et des forma- teurs/trices.

Reconstruire une véritable formation continue

La situation est aujourd’hui totalement dégradée : une formation continue répondant aux besoins exprimés des personnels a quasiment disparu. Elle ne peut se limiter à la transmission d’informations officielles ou à l’adaptation à de nouveaux dispositifs, ni être considérée comme un outil de gestion des ressources humaines, en lien avec la gestion des carrières. Elle ne peut dépendre ni des capacités de remplacement, ni du bon vouloir du chef d’établissement. La formation à distance ne doit pas remplacer la formation présentielle qui permet l’échange sur les pratiques.

La profonde transformation du système éducatif nécessite le développement d’une formation continue, tout au long de la carrière. Elle doit être un droit ouvert sur le temps de travail. Elle vise au développement professionnel et personnel des enseignants qui doivent être acteurs individuellement et collectivement d’une incessante professionnalisation du métier. C’est pourquoi les personnels doivent être partie prenante de sa conception et de sa mise en œuvre (conception autogérée).