Par Eric Donate
Le projet de réforme de la voie professionnelle de Carole Grandjean avance avec autorité et il est clair : moins d’école pour les lycéen·nes de la voie professionnelle !
Une opposition historique
La formation professionnelle de notre jeunesse est historiquement au coeur d’une bataille idéologique. D’un côté, une conception scolaire complète et ambitieuse pour nos élèves afin d’élever le niveau de qualification et de connaissances. De l’autre, une tutelle patronale qui souhaite mettre la main sur une partie de la jeunesse, afin de construire une adéquation la plus déterministe possible entre les besoins du marché de l’emploi et le destin des élèves. À une logique d’émancipation par les savoirs et la culture s’oppose une logique d’adéquation par l’instrumentalisation de la formation. En ce sens, la réforme actuelle, pour aussi violente qu’elle soit, est à resituer dans ce conflit idéologique.
Moins d’École pour la jeunesse populaire
En droite ligne de cette tension, le projet Grandjean 2024 est clair : moins d’École et plus d’entreprise ! En classe de 2nde et 1ère bac pro, l’accompagnement personnalisé (AP) est supprimé sans horaire supplémentaire en français et mathématiques. En classe de terminale le constat est plus dur encore, avec la perte de 4 semaines de cours ! En effet, l’année scolaire de terminale est réorganisée avec une fin d’année commune pour tous et toutes début mai, date à laquelle démarre un parcours différencié. Les élèves auront la « liberté » de choisir entre préparation « à la poursuite d’études », ou à « l’insertion professionnelle ».
Au vu des difficultés sociales de nombre de nos élèves et de la précarité que subissent leurs familles, nous ne pouvons que déplorer un certain cynisme quant à la mise en avant de cette liberté de choix, qui se fera en réalité sous contrainte. La préparation des études supérieures résistera difficilement au poids des gratifications des 6 semaines de stage visant à l’insertion professionnelles, aussi maigres soient elles. Ainsi, derrière une communication prônant un renforcement et une valorisation de la voie professionnelle qui ne trompe plus personne, c’est en réalité une attaque sévère sur l’ensemble du cursus, et une fois encore, une école sélective voire ostracisante.
Pour beaucoup de nos élèves, l’EPS représente le seul temps de pratique sportive et artistique dans la semaine
Une EPS fragilisée et désorganisée
L’EPS n’échappe pas à la règle de la communication mensongère axée sur la revalorisation. La mise en avant de l’octroi d’1h sur le volume annuel global de la classe de terminale et le passage de 2h30 hebdomadaires sur 26 semaines, à 3h sur 22 semaines, ne masquent pas la désorganisation engendrée par la concentration des cours sur le début de l’année scolaire. Pour beaucoup de nos élèves, l’EPS représente le seul temps de pratique sportive et artistique dans la semaine. Dès lors, ce passage de 26 à 22 semaines d’enseignement sera synonyme d’arrêt précoce de la pratique, alors que le gouvernement clame 2024 comme année olympique et sportive.
Pour les enseignant·es, comment organiser 3 CCF sur 22 semaines tout en restant exigeant·es quant à l’étude des APSA. Il est à craindre que la réduction du temps d’école et l’augmentation du temps en entreprise tracent le sillon d’un renforcement des compétences douces au détriment d’apprentissages disciplinaires ancrés culturellement. Comment ne pas penser au glissement vers une EPS contributive à des grands enjeux de citoyenneté, de santé, organisée autour des CMS pour ce faire ? Enfin, la concentration des volumes horaires avec les classes de terminales sur le début de l’année scolaire posera nécessairement des problèmes de répartition et d’utilisation des installations sportives, déjà souvent saturées.
Une lutte syndicale forte
Depuis l’année dernière, le SNEP-FSU, le SNUEP-FSU et l’intersyndicale voie pro manifestent leur opposition au projet de Carole Grandjean et luttent pied à pied. Nous faisons bouger les lignes et avons fait reculer le projet initial qui consistait à placer 6 semaines de PFMP au mois de mai, réduisant d’autant le temps scolaire. La grève du 12 décembre a marqué un temps fort de cette contestation et de manifestation de l’opposition de la profession au projet de réforme. La mobilisation pour une voie professionnelle exigeante, juste et émancipatrice doit se poursuivre car elle défend l’avenir de l’école et de la jeunesse.