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5 principes pour transformer l’éducation prioritaire

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Les défis pour l’éducation prioritaire sont d’autant plus importants si l’on s’inscrit dans un projet d’école pensée « pour ceux et celles qui n’ont que l’école pour entrer dans les apprentissages scolaires ». La réduction des inégalités entre les élèves est un enjeu crucial.

Les orientations politiques en direction de l’EP ne peuvent pas continuer le saupoudrage à travers une approche principalement budgétaire et doivent radicalement changer pour mettre fin à l’injustice et à la relégation sociale vécues par les populations.

Des inégalités qui perdurent

La France est un pays où l’origine sociale des élèves est très corrélée aux résultats scolaires et fait de l’Ecole française l’une des Ecoles où l’origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire. Les rapports successifs (CNESCO septembre 2016, Rapport Delahaye «Grande pauvreté et réussite scolaire» mai 2015) montrent l’insuffisance des politiques d’éducation prioritaire.

2015: une réforme de plus pour l’Education prioritaire mais qui reste limitée.

La réforme de l’Education prioritaire a été inscrite dans le cadre de la refondation de l’Ecole, constatant que les différentes politiques de l’EP n’avaient pas produit les effets attendus sur la réduction des inégalités. Face à ce constat, une nouvelle carte de l’Education prioritaire a été établie mettant fin à tous les dispositifs antérieurs. Elle a pris effet à compter de la rentrée 2015, classant les établissements relevant de l’EP en REP et REP+.

Les moyens qui ont été accordés n’ont pas permis à l’ensemble des établissements répondant aux critères de classement de se voir labellisés et les lycées en ont été exclus. Il est nécessaire d’en augmenter le nombre.

Même si le nombre total des réseaux reste inchangé dans le primaire et les collèges: 1081, dont 350REP+ et 731REP, une logique de répartition nationale doit être préservée autour de l’élaboration de critères transparents et en tenant compte des caractéristiques de chaque territoire dont l’Outre-Mer.

A cette nouvelle carte d’établissements labellisés, se sont ajoutées des mesures : la pondération de 1,1 du service d’enseignement pour dégager du temps de concertation, la revalorisation de l’indemnité de sujétion spéciale ZEP, une nouvelle bonification dans le cadre du mouvement et un accès favorisé à une classe exceptionnelle.

Ces mesures tendent à reconnaître la difficulté à enseigner dans ces établissements. Mais dans la majorité d’entre eux, la réduction des ORS avec la pondération 1,1 s’est traduite par des temps de formations et de réunions imposés par certains chefs d’établissement en lieu et place du temps dégagé pour la concertation des équipes éducatives. Ce temps libéré est du temps en moins sur le service des enseignants et ne peut se traduire par des HSA.

Des propositions pour une vraie réduction des inégalités

Au moment de la mise en place de la réforme de l’EP de 2015, le SNEP-FSU a mis en débat 5 principes susceptibles de réduire les inégalités.
Ces 5 principes s’attachent à la fois aux questions de structures (carte scolaire, carte des REP et REP+, nombre d’élèves par classe et DHG),

et aux questions pédagogiques (formations des enseignants, place de l’EPS).
Ils devraient s’accompagner, dans ces territoires fortement marqués par les inégalités et les exclusions, d’un traitement politique priori-taire interministériel.

1er principe : Avoir une répartition nationale des établissements de l’Education Prioritaire à partir de critères transparents sans limite de quota.

Il y a une corrélation très importante entre grande pauvreté et réussite scolaire, mais certains territoires cumulent d’autres formes de ségrégations culturelles, spatiales, symboliques qui viennent s’ajouter aux critères sociaux.

Les moyens seront attribués nationalement sans essayer de trouver des équilibres académiques mais en cherchant une juste répartition nationale.Les critères de l’éducation prioritaire doivent être élaborés et mis en œuvre de manière transparente sans dépendre d’un quota préalable de moyen alloués.L’enveloppe générale des moyens prévus est séparée de l’enveloppe des moyens des autres établissements pour éviter des systèmes de concurrence.

La difficulté scolaire ne s’arrête pas à l’entrée au lycée. Nous demandons que des critères nationaux précis permettent la construction d’une carte élargie des lycées généraux, technologiques et professionnels de l’Education Prioritaire.

Pour les établissements qui ne sont pas labellisés mais qui sont autour du seuil de l’éducation priori-taire, nous proposons la création d’une zone transitoire pour l’entrée, comme pour la sortie, de l’Education Prioritaire. Dans cette zone, des moyens supplémentaires leur seront alloués.

2ème principe Réduire à 16 le nombre d’élèves par classe dans des établissements à taille humaine.

La recherche de Piketty et Valdenaire (2006) et les constats du CNESCO montrent que les différences d’effectifs entre les établissements de l’EP et ceux hors EP sont trop peu significatifs pour avoir des effets sur les apprentissages.

Les efforts sur la réduction des effectifs devraient être supérieurs pour réduire les inégalités. Limiter à 16 le nombre d’élèves par classe dans ces établissements devrait permettre une approche plus collective des apprentissages et plus individualisée au sein même de la classe.

Les efforts sur la réduction des effectifs devraient être supérieurs pour réduire les inégalités.

Cette réduction donnera aussi plus de temps pour suivre les élèves, notamment sur le suivi scolaire et le lien avec les familles. De la co-intervention doit également être développée pour développer des approches pédagogiques plurielles. En conséquence, il est nécessaire d’abonder les dotations pour qu’il n’y ait pas de remise en cause des différentes options.

3ème principe : La difficulté scolaire, l’affaire de tous: aborder la question de la sectorisation et la place du privé.

Certaines familles contournent la carte scolaire, soit vers des établissements publics mieux « cotés », soit vers le privé pour éviter les établissements qui concentrent les élèves en difficulté, accentuant de fait un peu plus leur déclin. Dans l’attente d’un arrêt du financement du privé par l’Etat, celles-ci devraient contribuer à la réduction des inégalités.

Depuis la loi Debré de 1959, renforcée par les accords Lang-Cloupet de 1992, l’enseignement privé sous contrat bénéficie d’une mission de service public. L’école privée devrait donc être financée au prorata de l’intégration d’un nombre d’élèves en difficulté scolaire et du pourcentage d’élèves issus de milieux défavorisés.

La sectorisation et la construction de nouveaux établissements doivent être mieux réfléchies et constituer un levier pour faciliter la mixité sociale des établissements sans se faire au détriment de la qualité du service public d’éducation. Dans le même ordre des choses, la carte des for-mations des lycées et lycées professionnels doit tenir compte de la composante mixité sociale afin de ne pas ghettoïser certains établissements.

4ème principe : Valoriser les enseignants, mieux les former et libérer du temps de concertation.

La mise en place pour les REP+ d’une pondération de 1.1 est une mesure intéressante qui doit être généralisée à toute l’éducation prioritaire (REP, REP+ et les établissements classés politique de la ville). Cette mesure doit libérer un temps pour lequel les équipes enseignantes définissent le moment et le contenu pour faire mieux, ce qui se fait déjà (suivi des élèves, rencontres avec les parents, réunions d’équipes dont le travail en réseau…). Cette pondération devra se transformer en 2h de réduction de service (sans HS imposées) devant élèves dont les enseignants ont la pleine maitrise.Les néo titulaires affectés en éducation prioritaire doivent pouvoir bénéficier d’une décharge supplémentaire de service pour pouvoir suivre des compléments de formation, pouvoir bénéficier de la co-intervention ou de pratique accompagnée.Les primes affectées aux enseignants en éducation prioritaire doivent être transformées en NBI et en tout état de cause être augmentées.L’échec des élèves ne doit pas être analysé en terme de manque ou de lacune mais en analysant les erreurs des élèves en relation avec les obstacles didactiques non résolus.La formation initiale et continue des enseignants doit impérativement aborder ces questions du rap-port au savoir et fournir aux enseignants les outils didactiques nécessaires pour les résoudre.

L’échec des élèves ne doit pas être analysé en terme de manque ou de lacune mais en analysant les erreurs des élèves en relation avec les obstacles didactiques non résolus.

Des mesures pour accompagner la réflexion pédagogique et les changements de pratique doivent être systématisées.

Le développement de collectifs de travail pour réfléchir à des démarches pédagogiques plus porteuses de démocratisation, des stages de formation continue alternant expérimentation et pratique accompagnée, en lien avec la recherche, se-raient propices à une réflexion approfondie sur le métier et sur la façon de traiter la difficulté scolaire.

5ème principe : Développer l’EPS et le sport scolaire dans les zones d’éducation prioritaire (relancer la circulaire sensible J Lang).

L’EPS et le sport scolaire, de par la spécificité de leurs contenus et leurs mises en pratique, sont une voie originale de la réussite au sein de l’école. Une attention particulière doit être attachée à la réduction de l’inégalité d’accès à la culture dont la culture sportive et artistique de ces enfants et jeunes. Le sport scolaire joue un rôle fondamental dans l’accès des jeunes aux pratiques sportives et artistiques, en particulier pour les filles, et à la vie asso-ciative en créant une dynamique et une cohésion au sein des établissements.

Son développement au sein des établissements de l’EP doit être une priorité notamment en facilitant l’accès à la prise de licence UNSS et en proposant un large choix de pratiques et de modalités de pratiques. Le prix de la licence à 50% devrait s’élargir à toute l’éducation prioritaire.

Il y a 20 ans (circulaire du 16 mars 1993), le ministre de l’Education nationale Jack Lang, sensible aux arguments du SNEP, avait répondu à la revendication d’une valorisation de l’enseignement dispensé en EPS, en décidant que tous les établissements classés «sensibles», bénéficieraient d’un-e enseignant-e d’EPS supplémentaire devant élèves.

Ces postes ont permis de mettre en place des projets sur le savoir nager, le soutien, l’approfondissement d’une activité ou des options sportives, ou encore des co-animations de séances.

Le SNEP réitère sa proposition de réactiver cette mesure et les autres mesures contenus dans la circulaire (2 professeurs principaux par classe, un CPE supplémentaire…) et d’exiger que tous les établissements concentrant les plus grandes difficultés, disposent d’installations qui respectent les recommandations élaborées dans les publications du SNEP sur les équipements.