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Intervention du SNEP-FSU au CSE du jeudi 13 juin 2019

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Vous avez décidé d’aller jusqu’au bout dans la dé-disciplinarisation de l’EPS. Pourquoi ? Par désintérêt, parce que cette discipline ne vaut pas la peine qu’on y consacre un peu d’énergie ? Ou pour en faire un exemple, le fer de lance du désengagement de l’Etat en matière d’éducation ? Ou tout simplement, pour ne pas s’embêter avec des choses compliquées ?

Je résume : vous avez vidé de leur substance spécifique les programmes des lycées, des Lp, après ceux du collège, au point d’écrire quasiment les mêmes choses dans les trois en termes d’attendus. Nous en avons donné des exemples en commission spécialisée, nous n’allons pas le refaire ici. Par contre on précise bien tout ce que les enseignant-es doivent faire : tout finalement. Dans les programmes, définir les savoirs et compétences à enseigner et maintenant fabriquer des référentiels pour les évaluer. Le pire, c’est l’argumentaire principal donné pour cette nouvelle phase : pour mettre l’évaluation certificative en phase avec les programmes : il n’y a rien dans les programmes du point de vue des attendus concrets, donc on ne met rien sur l’évaluation. Logique, même si rappelons-le, personne ici n’a voté pour ces programmes. Le problème c’est que, contrairement à ce qui est annoncé, la liberté pédagogique tant invoquée va être renvoyée aux oubliettes par la circulaire d’application de l’arrêté qui va multiplier les contraintes, et par l’application de l’article 9 de cet arrêté.

In fine, la discipline va bientôt reposer sur un tissu d’incohérences et d’approximations. Le défi va être gigantesque pour la profession pour, malgré les textes officiels, garder des repères nationaux pour garantir une culture commune (rappelons que l’EPS est dans le tronc commun) sur l’ensemble du territoire et une évaluation nationale dans un Bac qui est encore un diplôme national. Certes, la dernière réforme (qui là encore n’a été voté ici par pratiquement personne) rend le Bac encore plus local, donc inégalitaire, mais là l’EPS est à l’avant garde. Au passage, nous sommes allés relire le référentiel de compétences professionnelles. S’il est écrit que l’enseignant doit être un expert de sa discipline, il est concepteur de l’enseignement, pas de la création de ce qui relève de la  responsabilité de l’institution. A moins, à moins… que contrairement à tout ce qui est affiché, on ne veuille pas vraiment créer du commun, c’est-à-dire de la cohésion sociale par le partage de savoirs et compétences communes à apprendre. Ce qui est ici officiellement retenu pour nos programmes et certification est une attaque en règle contre une formation commune.

Ne me répondez surtout pas : mais si, il y a des référentiels nationaux, c’est écrit ! Le terme employé dans le texte présenté sur le CCF est impropre (rappel : un référentiel est un outil permettant de passer d’une évaluation implicite à une évaluation explicite). Le niveau de généralité sera tel que ça ne pourra répondre à cette définition et à cet usage. Comment voulez-vous justifier auprès des enseignant-es et même du public que, par exemple, il y ait un référentiel commun entre la natation et le saut en hauteur ? Ou encore entre la musculation et la course de longue durée ? A moins que ce ne soit pour donner du grain à moudre au Canard Enchainé ou autres journaux satiriques.

(je rappelle pour tout le monde qu’en EPS on a décidé que des activités physiques étaient suffisamment proches et avec suffisamment de points communs pour faire partie d’un même groupe, par exemple il est évident n’est-ce pas que la gymnastique sportive -dont vous avez peut- être déjà vu quelques exploits aux jeux olympiques- et la danse soit le même groupe, la natation et le sprint, même groupe… ). Tout le pilotage de l’institution repose aujourd’hui sur cette idée farfelue… On exige de l’EPS de se définir en quelques mots, sous prétexte de lisibilité. Mais que la « lisibilité » dise n’importe quoi ne semble pas être un problème.

Une contradiction parmi tant d’autres : alors qu’on nous répète que les APSA ce n’est pas important, que le niveau importe peu, qu’il ne faut surtout pas que la performance soit prise en compte, c’est la raison pour laquelle on a supprimé toute référence aux APSA… un sportif de haut niveau, parce qu’il a un haut niveau de performance, validerait sans se présenter tout un champ d’apprentissage correspondant à sa pratique ? (article 12)

(dans le projet de circulaire, la motricité ne pourra dépasser 12 points. C’est comme si en math on disait : votre prestation mathématique au bac ne sera notée que sur 12, les 8 autres points allant sur des critères autres : par exemple un élève « leader » sera mieux noté qu’un autre simplement « acteur » comme le proposera la circulaire. Dans une bonne classe si tout le monde veut être leader, on fait comment ? Quels sont les critères ?…

On voit bien que ça coince, dans la vraie vie. On pourrait déjà s’arrêter là pour les griefs. Mais ça ne suffit pas, on va mettre les enseignant-es dans une injonction paradoxale : d’un côté on leur dit : débrouillez-vous, faites le boulot de l’institution ! Peut-être pour faire en sorte que les incohérences textuelles soient corrigées sur le terrain. Mais d’un autre côté, on va multiplier les contraintes pour que la liberté pédagogique soit mise dans des cases que l’administration pourra contrôler. Nous en avons déjà quelques exemples dans les académies. Donc le discours : vous êtes concepteurs, la réalité : à condition que ce soit comme on vous dira.

Bref dans un nouveau texte officiel, ici le CCF, la Dgesco continue à se ridiculiser auprès de la profession, mais aussi des élèves et des parents sur notre discipline et à aller contre l’avis largement majoritaire des enseignant-es d’EPS que nous représentons ici. C’est un choix politique original qu’évidemment nous ne partageons pas. Nous avions un problème que nous avions d’ailleurs dénoncé : il y avait deux référentiels en EPS qui étaient d’une certaine manière redondants : un référentiel de formation précis (les programmes) et un référentiel d’évaluation encore plus précis, ce qui rendait la prescription trop contraignante. Nous n’en n’avons aujourd’hui plus aucun. Quand est- ce que vous allez enfin écouter celles et ceux qui, au quotidien, font vivre l’EPS ?

Pour ces raisons nous invitons le CSE à ne pas cautionner cet affichage, et voter contre ce texte.

Dernier point qui renvoie au fonctionnement démocratique. Comment se fait-il que dans les académies, l’administration réunissant les collègues sur les lycées demandent depuis plus d’un mois aux équipes d’établissements de construire leurs propres référentiels, c’est-à-dire de mettre en œuvre le texte non encore discuté et voté ? C’est dire le peu de poids qui est accordé au CSE.

En conclusion nous allons voir très rapidement si tout ça n’est pas une simple opération de comm consistant à flatter les enseignant-es en disant qu’ils sont les véritables concepteurs : depuis la dernière proposition d’arrêté, une modification subtile s’est insérée qui transforme la logique annoncée de laisser les enseignant-es construire leurs référentiels. Dans l’article 9, il a été rajouté que la commission d’harmonisation « valide » les référentiels. Autrement dit c’est la commission académique qui va dire oui ou non à tel ou tel référentiel, autrement dit encore les enseignant-es feront selon le bon vouloir de ladite commission. Cette commission d’harmonisation, dont nous soutenons le principe pour une régulation, devient ainsi une instance de validation, donc ayant prérogative sur les choix didactiques des équipes. On voit bien la duplicité de l’opération, par devant on vante la responsabilisation, la capacité des enseignant-es, mais par derrière on se dote de tous les outils de contrôle pour leur dire ce qu’ils doivent faire. En fait ils ne seront que des exécutants, des applicateurs.

Concluons rapidement, ce texte est le produit d’une commande de la Dgesco irrationnelle : soit on veut effectivement faire « confiance » (on sait ce que ce terme veut dire dans le cadre de la loi Blanquer !) et on laisse effectivement les enseignant-es faire sans contraintes de champ, répartitions de points, etc. soit on veut un cadre national « unificateur » et on revient à des référentiels par APSA qu’il faut travailler collectivement. Dans l’état actuel vous allez créer des tensions, des incompréhensions, dont pâtirons enseignant-es et élèves.