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« T comme tapette » … ou la lutte contre toutes les discriminations au quotidien

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Par Anna Motta

  • « Vas-y, essaye, tapette !
  • Maxime, qu’est-ce que tu viens de dire ?
  • Rien madame, il veut pas essayer
  • Non mais répète ce que tu viens de lui dire.
  • Je lui ai dit vas-y essaye………
  • Essaye…….
  • Tapette.
  • C’est quoi tapette ?
  • C’est pas une insulte, C’est rien, c’est pour lui dire qu’il a peur.

Bon, c’est ça le problème. C’est que pour toi Maxime, comme pour pas mal d’élèves tu ne vois pas le problème. Et tu réponds « ok, pédale » à chaque fois qu’un garçon te pose une question, et « OKS » (pour OK salope, quelle imagination débordante), à chaque fois que c’est une fille, ou un garçon d’ailleurs, parce que c’est drôle.

On est en cinquième, en cycle d’acrosport, au tout début de l’année. Au bout d’un nombre de fois trop conséquent, j’ai les oreilles et l’éthique qui saignent. On s’arrête, on va discuter.

J’écris « Discrimination » au tableau, et je leur demande ce que ça leur évoque.
« Des insultes et des choses qu’on nous empêche de faire »
On essaye de classer.

  • La couleur de peau
  • La religion

Ensuite c’est plus compliqué, mais on finit par trouver.

  • Le physique et le handicap
  • Le niveau social
  • Le fait d’être une fille………(notamment parce qu’on a rugby dans la programmation, et le rugby, c’est pour les garçons…)

En creusant toutes les insultes qu’ils connaissent, on arrive à parler de tapette, pédale, gouine….
Ils rigolent, se regardent, ont l’air de trouver ça vraiment super drôle.
Sofiane : « Mais madame, tapette, c’est pas vraiment une insulte, c’est pour dire que c’est un peu une fille
Léa: « mais toi on t’as jamais traité de garçon ! »
Fatou: « Madame, pédale c’est quand même pas aussi grave que « nègre », 
Halimata : « Tu dis ça parce que t’es noire… »
Jessy : « C’est quoi les mots pour dire pédé sans insulter ? »

Les discussions s’enchainent, rebondissent, se régulent, nous entrainent là où je n’aurais jamais pensé arriver en commençant ce cours….

Le cours d’EPS, parce qu’il est le lieu d’apprentissages à travers toutes les formes de groupements possibles et imaginables, peut être l’occasion privilégiée de la rencontre avec l’autre qui ne nous ressemble pas.

On a fini par écrire les règles qui nous paraissaient importantes pour bien vivre ensemble :

  • Il n’y a pas de hiérarchisation de la discrimination
  • On insulte pas les gens pour rire (cas exceptionnel et avec beaucoup de réserve, si c’est mon copain, et qu’il sait que je ne pense pas du tout ce que je dis……..)
  • Tapette, pédale : ce sont des insultes, pas de la ponctuation.
  • Je ne dis pas aux autres ce que je ne voudrais pas qu’on me dise.
  • Quand je suis témoin d’une forme de discrimination, qui fait souffrir l’autre, je me dois d’intervenir.
  • Ce qui compte, ça n’est pas ce que veut dire celui qui le dit, mais comment celui à qui ça s’adresse le prend.

Evidemment, cela n’a pas mis fin en 2 jours à toutes les «  pédales » du  collège. Mais dans la classe, l’atmosphère s’est détendue. Bienfait du dialogue, sans aucun doute.

Le cours d’EPS, parce qu’il est le lieu d’apprentissages à travers toutes les formes de groupements possibles et imaginables, peut être l’occasion privilégiée de la rencontre avec l’autre qui ne nous ressemble pas.
En vivant des expériences communes, en construisant des projets collectifs, nous pouvons offrir à nos élèves la possibilité de se mettre à la place de l’autre. Première marche de la lutte contre toutes les discriminations.