Lorsque récemment la Dgesco nous a invités à discuter, en visio bien entendu, avec les autres syndicats, sur l’allègement des programmes scolaires lié à la reprise d’activité, mais aussi en perspective de la rentrée, nous avons souri.
Alléger quoi concernant l’EPS ? Des programmes qui n’ont plus d’exigence nationale, qui ne donnent comme « attendu » que des généralités du type : « combiner une course un saut un lancer pour faire la meilleure performance cumulée » (cycle 3) ? Des programmes qui ne débouchent plus sur une épreuve spécifique au DNB ? Des programmes au lycée qui déboucheront sur des référentiels locaux, avec tous les écarts possibles, sans parler des lycées pro où la notion même de programme perd totalement son sens tellement son contenu est vide…
On voit donc à l’occasion d’une sollicitation suite à un événement inattendu, que l’institution, sur l’EPS, avait pris un chemin totalement différent des autres disciplines. Il est d’ailleurs curieux qu’elle nous pose la question, elle devrait connaître ce qu’elle a elle-même produit.
A l’heure où la réflexion sur « le jour d’après » est à la mode et, dans cette période trouble où, avec le 2S2C, la discipline est concurrencée par un dispositif d’animation sur temps scolaire, tout le monde perçoit bien que les programmes ne peuvent plus jouer leur fonction politique de défense et promotion de l’EPS. Même avec des difficultés et des désaccords, lorsque nous avions des exigences nationales pour tous et toutes, deux mécanismes fonctionnaient ensemble. La notion d’exigence nationale donnait un cadre et un cap lié à la notion même de service public. Elle permettait également d’évaluer à terme à la fois l’action de l’école et les acquisitions des élèves lors d’examens, eux-mêmes nationaux. Et, s’appliquant à tous et toutes, sur l’ensemble du territoire, ces exigences portaient en elles une visée égalitaire.
A l’heure où la réflexion sur « le jour d’après » est à la mode et, dans cette période trouble où, avec le 2S2C, la discipline est concurrencée par un dispositif d’animation sur temps scolaire, tout le monde perçoit bien que les programmes ne peuvent plus jouer leur fonction politique de défense et promotion de l’EPS..
Nos non-programmes sont un passeport pour la suppression de l’EPS
Lorsque la réécriture de programmes du collège s’est engagée, avec un CSP alors encore indépendant du pouvoir, nous avions écrit que le cycle des programmes en EPS devait être bouclé et qu’un autre devait advenir. Dans notre esprit, évidemment il s’agissait de rester dans les principes républicains énoncés plus haut, mais d’assumer enfin la valeur de notre enseignement. Les techniques corporelles, sportives et artistiques, constituent un apprentissage fondamental sur lequel se construisent des savoirs plus larges ou plus transversaux. Pas l’inverse. Savoir nager, savoir jouer aux différents jeux sportifs, savoir danser… sont autant d’occasion de se développer, et donc de participer à l’objectif d’émancipation.
Las, les programmes ont rangé le travail mené des 30 dernières années, y compris par l’institution pédagogique, dans un catalogue d’antiquités. Pour les remplacer par des généralités passe-partout. Un acte vaguement fainéant, qui rend l’idée même de programme scolaire inopérant. Au lieu d’un cadre structurant, on délègue sur l’agent, ici l’enseignant, la responsabilité de l’identification de ce qu’il faut apprendre. Exit le « pour tous et toutes ». Bonjour le chacun pour soi. Les répercussions sur les diplômes ne se sont pas fait attendre : terminé, les référentiels nationaux… Tout cela s’inscrit parfaitement dans la politique concrète (pas celle qui s’affiche) de JM Blanquer : l’EPS, pas fondamental !
Les propositions du SNEP : vers un nouveau départ ?
Il est clair que pour le SNEP-FSU, il est important que la profession continue à pousser pour ne pas abandonner la réflexion et faire des propositions alternatives pour des références nationales. Forcément il y aura un après Blanquer. Pour l’EPS, le problème n’est pas l’après COVID, mais de préparer l’après Blanquer. Dès 2015 nous avons réuni des groupes de collègues travaillant sur différentes APSA pour construire des fiches référence pour le primaire et le collège. Puis, à l’arrivée des programmes lycées et Lp nous avons fait le pari de fiches couvrant toute la scolarité, avec des repères de progressivité qui identifient des niveaux d’apprentissage et non des niveaux de classes. Car on sait que dans une même classe il peut y avoir des élèves à différents stades.
Et suite à la disparition de l’épreuve EPS au DNB et à la localisation des référentiels Bac, nous avons proposé aux groupes de réflexion d’adjoindre aux fiches APSA des épreuves et des repères de notation pour le diplôme du brevet et pour le Bac.
Ce travail est en cours, quelques fiches ont été finalisées, mais c’est véritablement à la rentrée que nous pourrons en publier quelques unes à titre d’exemple. La phase suivante sera celle de la discussion la plus large, lors des journées de l’EPS proposées dans toutes les académies, pour vérifier l’intérêt et la pertinence des propositions. Il s’agira d’une base qui pourra être travaillée pour y compris rédiger les projets et les protocoles d’évaluation.
Il nous faut participer à un nouveau départ pour l’EPS, quand tant d’autres lâchent les contenus « moteurs » de l’EPS en se cachant derrière une transversalité qui dilue tout dans tout. Sans exigence spécifique, on peut bien employer des animateurs à la place des enseignants.