C’est avec cette affirmation de quasi-contiguïté un peu risquée que nous souhaitons entamer le débat.
Les loisirs. Sans méconnaître les débats historiques, politiques, humanistes, émancipateurs, mercantiles qui gravitent autour de cette notion, nous voulons en retenir une fonction de développement des individus lorsque ceux-ci se dégagent des pressions de la vie quotidienne ou professionnelle. Une forme d’éducation au temps libre, qui a toujours à voir avec le travail et son rapport à la nature de l’assujettissement des salarié·es. Cette pratique, librement admise, essentielle à la vie elle-même, a été l’objet de rudes batailles pour empiéter sur le temps de travail, le limiter et faire que la vie ne se réduise pas à celui-là. La lutte est toujours d’actualité tant les loisirs révèlent toutes les inégalités sociales et dont ils sont, par ailleurs, un excellent marqueur. Cet espace social est précieux et constitutif d’une bonne vie. Le loisir physique, sportif, artistique, est un des aspects majeurs de cette sphère d’activité sociale. Ne devrait-il pas être, pour l’EPS, un interlocuteur quotidien.
N’est-ce pas contre-intuitif de penser ainsi la question ?
Toutes les interventions pour fonder une EPS scolaire attachée au développement des élèves se sont principalement confrontées au champ civil sportif tant celui-ci a toujours historiquement lorgné sur les contenus même de cet enseignement. Ce n’est pas la qualité de ces projets qui est ici posée mais leurs exigences quand ils questionnent les contenus d’EPS. Cette démarche n’est pas propre à celle-ci mais à tous les contenus scolaires évoluant régulièrement, par programmes interposés, selon les transformations de tous les grands secteurs de la connaissance. Nous en connaissons régulièrement les risques tant certaines forces sociales, patronales, associatives… souhaîtent infléchir ces contenus dans le sens de leurs propres besoins et intérêts. Nous connaissons cela dans notre secteur et les débordements des fédérations sportives, et à une autre échelle, du monde artistique, ont été régulièrement contenus. Cependant, il faut comprendre ces pressions dans une approche réciproque ; autant il est juste de connaître ce que le développement de la culture physique produit pour y répondre, non pas dans un rapport de commanditaire mais dans les traits qui permettront le meilleur accueil des jeunes pour de telles pratiques ; en miroir, nous savons aussi combien les formations scolaires sont scrutées régulièrement au regard de leur contribution aux interventions que mènent les clubs ou associations diverses.
C’est dans cette problématique que nous nous sommes confronté·es aux questions de ce double dialogue avec les loisirs sachant que l’épreuve pandémique que nous affrontons n’est pas sans faire bouger ce questionnement. Les règles sanitaires amputent le secteur des loisirs du libre engagement des pratiquant·es, de même l’enseignement de l’EPS est confronté à sa dénaturation, comprise dans le sens qu’elle ne peut développer son objectif de culture sportive, artistique, polyvalente tant les limitations posées sont handicapantes.
Penser l’EPS dans sa projection vers des loisirs émancipateurs c’est l’inciter à mieux penser son enseignement dans la multiplicité de ses composantes techniques, émotives, symboliques, organisationnelles et que le milieu civil d’accueil doit être capable de valoriser.
C’est ainsi que nous pensons le loisir dans l’EPS.
Jean Lafontan