Dans plusieurs articles du bulletin du SNEP-FSU il est possible de lire que les programmes comportent une dimension politique, dans le sens où ils renforcent l’ancrage institutionnel d’une discipline scolaire. Une discipline qui n’en a pas risque d’être considérée comme mineure, accessoire, parfois « utile » à des apprentissages considérés plus nobles. Vu que les attaques contre l’EPS sont suffisamment nombreuses, pour ne pas dire permanentes, depuis des années, avec tout un tas de dispositifs mêlant une communication positive sur le sport à l’école et la minoration de la discipline scolaire par la mise en concurrence avec le tissu sportif extrascolaire, il est permis de penser que la présence des programmes, en soi, serait un pilier important de la discipline.
Le problème, c’est que cela ne suffit pas. Les programmes des disciplines se situant en haut de la hiérarchie scolaire 1 sont construits différemment des programmes de l’EPS du point de vue théorique. En mathématiques, par exemple, la culture scientifique spécifique préside aux choix effectués. Il ne viendrait à l’idée de personne de douter du bien-fondé de la présence de l’algèbre ou de la géométrie dans les programmes disciplinaires scolaires. La culture, scientifique en l’occurrence, donne la caution à la profondeur de la chose. Elle est le produit de la sédimentation historique pendant laquelle les nouveaux savoirs invalident un certain nombre d’anciens,
selon les fondamentaux de la pensée propre à la culture en question. D’autres sont actés pour longtemps, ayant résisté aux travaux successifs.
L’EPS « échappe » à ce processus depuis que le concept des champs d’apprentissage, l’héritier de celui des domaines d’action des années 1990, a été imposé dans les programmes. Le supposé savoir supérieur a évincé le réel, le culturel. Est-ce que notre discipline se porte mieux depuis que le badminton a été déclaré identique au rugby ? La réponse est facile. Osons la question si l’EPS a été affaiblie à cause des programmes ainsi organisés ? La réponse exige l’analyse du réel et la probabilité des suites.
Si nous affaiblissons la lisibilité culturelle des programmes de l’EPS, nous perdons le pilier de la nécessité des apprentissages concrets, techniques, liés aux APSA. Si les apprentissages techniques propres aux APSA ne sont plus ce qui doit être maitrisé en EPS, alors il n’est pas nécessaire d’exiger du temps nécessaire, des équipements de qualité et en nombre suffisant, des formations professionnelles etc. En plus clair, si nous disposons des programmes qui ne reposent pas sur les savoirs culturellement significatifs nous pouvons imaginer que ces programmes ne sont qu’un leurre institutionnel qui, finalement, conduit vers le contraire de ce qui est affiché. C’est bel et bien un affaiblissement de la discipline scolaire qui est en route. Et une discipline affaiblie est une discipline minorée.
Il ne s’agit pas d’ignorer les efforts de très nombreux·euses collègues justifiant leurs projets d’EPS par la conformité avec les textes officiels. Il s’agit d’être lucide sur les choix politiques opérés.
À titre d’exemple, nous pouvons citer la tentative du ministère de diminuer les horaires de l’EPS en LP. Ce n’est que l’action du SNEP-FSU qui a permis que ces horaires échappent à la coupe.
Nous ne voyons pas en quoi cette tentative ne se reproduirait pas dans un contexte défavorable, celui des coupes budgétaires dans un enseignement flou, coupé de ce qui fait sens dans la société, au nom de l’austérité assumée et conduisant vers toujours plus d’inégalité.
Nous pensons qu’il nous faut être offensif·ves sur les contenus des programmes de l’EPS
Nous pensons qu’il nous faut être offensif·ves sur les contenus des programmes de l’EPS. Les cultures physiques (sportive et artistique essentiellement) sont celles qui donnent sens à des apprentissages larges, en plus de peser sur les éléments essentiels de notre quotidien professionnel (équipements…). De plus, la lisibilité des savoirs appris en EPS serait améliorée, ce qui ouvrirait de nouvelles possibilités d’alliances avec les fédérations sportives.
- Le SNEP-FSU réclame une égale reconnaissance et donc importance scolaire pour l’ensemble des enseignements disciplinaires dispensés. Il se trouve que les choix politiques actuels promeuvent essentiellement les mathématiques et le français comme fondamentaux[↩]