Les pratiques sportives sont pour le SNEP-FSU l’objet d’étude de l’EPS. Il a toujours porté une analyse et un regard critique sur le sport et son évolution pour en saisir les éléments-clés à enseigner.
Rencontre avec Yann Dey-Helle, créateur du site « Dialectik Football » et auteur de l’atlas du football populaire.
Bruno CREMONESI : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Yann DEY-HELLE : Créateur du site Dialectik Football fin 2018, avec l’idée de proposer une critique du football capitaliste et de mettre en valeur les alternatives et résistances qui s’y opposent. Comme beaucoup, j’ai pu ressentir une forme de dégoût face à ce que l’économie de marché fait au sport en général. Plutôt que de m’en détourner, je préfère défendre l’idée d’une réappropriation du sport, des clubs et des fédérations, pour en faire de réels biens communs.
B.C. : Vos articles rendent visibles les actions dans le football qui portent un autre projet de société, pour changer le monde, en finir avec le capitalisme. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre regard sur le sport et le football en particulier ?
Y.D-H. : Comme « média » populaire et artisanal, Dialectik Football lutte contre ce qu’on appelle le « football moderne ». Une expression qui recouvre la période ouverte dans les années 90 et façonnée par des moments clés comme la création de la Premier League ou l’arrêt Bosman. Le football a basculé dans un capitalisme globalisé, boosté par l’argent de diffuseurs qui ont pris de plus en plus de pouvoir au 21ème siècle. Une élite de clubs, basée dans les 4 plus grands championnats (Angleterre, Espagne, Allemagne et Italie), a tiré profit de cette mutation, accaparant l’essentiel des revenus liés aux droits télé et accumulant les meilleurs joueurs. On n’inversera pas, à mon sens, cette tendance sans changement sociaux majeurs qui s’attaqueront à la cause de tout ça : l’économie capitaliste.
B.C. : Un autre football est-il possible ? Comment ?
Y.D-H. : Depuis les années 2000/2010, on a vu émerger plusieurs modèles de clubs alternatifs, créés par des supporters en réponses aux dégâts causés par certains dirigeants. L’un des plus célèbres est le FC United of Manchester, créé en 2005 par des fans de Manchester United qui ne se reconnaissaient plus dans leur club. Ils en ont créé un nouveau sur un modèle démocratique de propriété collective. En Espagne, des supporters dont le club a fait faillite ont aussi recréé des clubs sur la base d’un actionnariat populaire où chaque membre a le même poids décisionnel dans les assemblées générales. Une vingtaine de clubs de ce genre existent en Espagne. Cet « autre football » est encore un peu marginal et méconnu, mais il a le mérite d’indiquer un chemin.

“Atlas du football populaire” de Yann Dey-Helle aux éditions terres de Feu
Un autre football est-il possible ? Comment résister au football business ? En marge d’un terrain de jeu aseptisé, des pratiques existent déjà pour faire vivre un sport authentiquement populaire. Loin des projets
de Super League, regard sur le monde où des zones d’autonomie promeuvent déjà un football égalitaire, non capitaliste, féministe, antifasciste. À lire pour amorcer une contre-attaque.