Interview réalisée par Alain De Carlo
Suite à la parution de l’avis de l’ANSES relatif à l’évaluation des risques liés aux niveaux d’activité physique et de sédentarité des enfants et des adolescents, le SNEP-FSU a interviewé Irène MARGARITIS, de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES).
Selon vous, quels sont les éléments déterminants de l’avis rendu par l’ANSES ?
Nous avons recoupé de nombreuses données pour analyser le niveau d’exposition des jeunes à la sédentarité. Il est à retenir que les comportements sédentaires se développent fortement et très massivement chez les jeunes.
66% des adolescents entre 11 et 17 ans ont un niveau de sédentarité élevé et une activité physique faible
66% des adolescents entre 11 et 17 ans ont un niveau de sédentarité élevé (+ de 2h d’écrans / jour) et une activité physique faible (moins de 60 minutes) c’est donc une population très exposée aux risques sur la santé.
Ces chiffres sont alarmants et pires que les hypothèses que nous faisions. Suite à la parution de cet avis, nous souhaitons alerter tous les acteurs qui œuvrent pour les enfants et les adolescents, de la nécessité d’agir : parents, élus, communauté éducative, éducateurs, intervenants, etc…
Quels sont les risques du développement de la sédentarité et la faible activité physique pour la jeunesse ?
Il y a tout d’abord des risques directs dès l’enfance et l’adolescence. Ces risques sont le développement du surpoids, l’obésité, un moindre bien-être psychologique. La sédentarité des enfants et des adolescents entraine aussi de mauvaises habitudes alimentaires ainsi qu’une altération de la qualité du sommeil déterminante pour les jeunes. Il y a aussi des risques indirects et différés liés à ces pathologies : maladies cardio-vasculaires, développement de certains cancers, syndrome métabolique lié à l’obésité… Et le fait que les habitudes prises jeunes demeurent à l’âge adulte !
Le développement de la sédentarité touche-t-il tous les jeunes de la même manière ?
Non, il y a de fortes inégalités sociales, mais pas uniquement. L’inactivité physique est un élément culturel, mais peut-être aussi dû à l’éloignement des installations sportives ou au sentiment d’insécurité à l’extérieur. Par exemple, les parents de façon directe ou indirecte, vont parfois dissuader, notamment pour les filles, de sortir au regard de cette insécurité « perçue ». Nous notons aussi un décrochage à l’adolescence de l’activité physique des filles. Il y a des explications sociétales mais cela est aussi dû aux évolutions physiologiques, corporelles et à l’image du corps fortement perturbée à cette période.
L’avis évoque surtout l’adolescence. C’est un âge où il y a un décrochage des licenciés en clubs, à l’UNSS, mais aussi moins d’EPS (2h/ semaine). Pensez-vous utile d’inciter davantage aux pratiques physiques à cet âge? Est-il possible d’agir contre la sédentarité ?
Si, pour des raisons méthodologiques, nous n’avons pas pu exploiter les données sur l’enfance, il est évident que c’est un âge indispensable en termes d’activité physique et d’éducation. Il faut tout faire pour développer l’activité physique dès le plus jeune âge. Mais en effet, à l’adolescence, la baisse des horaires en EPS se réalise à un moment où elle ne devrait surtout ne pas diminuer ! Si la phase de l’adolescence entraîne une baisse presque « naturelle » des pratiques, il faut que l’école fasse l’inverse pour contrebalancer.
Pour agir contre la sédentarité, il faut que l’activité physique et sportive ait une place plus importante dans notre société et tout au long de nos vies. Cela concerne évidemment l’école (EPS), l’extra-scolaire (sport) et l’activité physique (déplacements, mobilités douces, marchabilité de l’espace urbain…). L’organisation du temps (scolaire/ extra-scolaire, études…) et des espaces (urbanisme, équipements…) doit prendre en compte ces problématiques.
Le SNEP-FSU met en place une « semaine de l’EPS » pour alerter sur la sédentarité et agir pour l’augmentation de la pratique physique et sportive dès l’école (horaires, équipements, formation…) avec 10 propositions concrètes. Que pensez-vous de cette initiative ?
C’est une bonne chose. Il est nécessaire d’alerter massivement car l’activité physique doit faire partie du quotidien. Le sport, l’activité physique et l’apprentissage des APS (EPS) sont à encourager dans la vie dès le plus jeune âge. Cela passe par un développement de l’apprentissage à l’école car la motricité s’éduque. L’école est un vecteur déterminant pour réduire les inégalités sociales. L’éducation à l’activité physique (et donc l’EPS) doit faire partie de l’Education dans son ensemble. Aujourd’hui l’EPS reste le parent pauvre de l’Ecole : mise de côté dans le système éducatif et avec des horaires trop faibles alors même qu’au-delà des effets sur la santé le développement de la motricité et l’activité physique dans son ensemble bénéficie aux autres apprentissages.
Aujourd’hui l’EPS reste le parent pauvre de l’Ecole mise de côté dans le système éducatif et avec des horaires trop faibles alors même qu’au-delà des effets sur la santé le développement de la motricité et l’activité physique dans son ensemble bénéficie aux autres apprentissages.
Lien vers l’Avis de l’ANSES : cliquer ici
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Irène MARGARITIS est professeure en STAPS et a été directrice de l’UFR STAPS de Nice pendant 6 ans. Elle est actuellement détachée à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES).