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L’EPS en lycée Professionnel est discriminante pour les élèves en difficulté scolaire

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La commission nationale d’évaluation, instituée par le décret d’avril 2002 a produit de nombreux rapports qui donnent à réfléchir sur le Bac EPS, le CCF, les référentiels, etc.
Construits à partir des remontées des commissions d’harmonisation académiques ils sont censés piloter les modifications successives des référentiels en particulier.

Ils sont d’ailleurs systématiquement invoqués par l’Inspection pédagogique pour justifier de leurs choix en matière d’éducation physique et l’impact de ces choix.
Un travail exhaustif serait nécessaire pour tout analyser, mais il nous parait intéressant de pointer ici deux choses qui pourtant sautent aux yeux et qui ne sont pourtant jamais mis en avant.

La tyrannie de la moyenne

Les statistiques sont souvent des données intéressantes… à condition qu’on utilise véritablement des notions et concepts de cette discipline. Or le recours exclusif, dans les documents d’analyse à la seule moyenne ne permet pas de saisir le sens des chiffres. Tout le monde ou quasiment sait que la moyenne ne veut pas dire grand-chose, surtout si elle n’est pas accompagnée de l’écart type, la dispersion des notes etc.

En effet si l’on s’en tient aux moyennes, on peut affirmer avec certitude que les élèves sont d’un bon voire très bon niveau en EPS. La moyenne avoisine en effet les 14/20 !
Ce n’est pourtant pas ce qu’on en dit, entre professionnels. Donc tout marche bien, inutile de changer quoi que ce soit. Ça n’empêche pas l’institution de tirer de l’ensemble des moyennes d’innombrables leçons conduisant principalement l’imposition de programmations qui seraient plus en faveur des filles.

Quel sens peut bien avoir tout cela alors que déjà en 2004 la moyenne était autour de 12,5 ? Quel intérêt à savoir qu’entre le step (CP5, poussée par le l’institution) et le rugby (CP4, dévalorisée par l’institution), il y a en moyenne 0,24 points d’écart ?

A minima, il faudrait interroger, avant toute décision (si tant est qu’il y en ait besoin d’une), les contenus enseignés et les critères de notation… Il faudrait s’assurer que la note est bien le reflet de la valeur des élèves, que les enseignants se sont bien conformés aux référentiels, que les référentiels sont justes, etc. Sans compter la double harmonisation, non officielle mais bien réelle, interne à l’établissement avant l’envoi des notes, et celle de la commission académique.

Il faudrait s’assurer que la note est bien le reflet de la valeur des élèves, que les enseignants se sont bien conformés aux référentiels, que les référentiels sont justes, etc.

Une réflexion identique peut être faite sur l’utilisation systématique des pourcentages de « fréquentation » des APSA. Quel est l’intérêt de savoir qu’il y a des différences dans la fréquentation des APSA, sans pouvoir mettre en regard ou croiser avec : les installations disponibles, la ruralité ou pas des établissements, le nombre de menus possibles en fonction du volume de l’équipe, etc.

Bref, il y a selon nous du chemin à faire avant que les informations fournies soient réellement exploitables.

Un point aveugle ?

Par contre il y a une chose extrêmement troublante totalement passée sous silence. En restant dans la logique des données présentées par le rapport et donc en utilisant les « moyennes », comment se fait-il qu’un fait notable ne soit pas mentionné ?

Ce fait concerne deux tableaux présents dans le dernier rapport : Le premier tableau :

Bac GTBAC PRO CAP-BEP
Moyenne Générale 13,92(-1,1) 12,89 12,74
Moyenne Garçons 14,20(-1) 13,20 13,03
Moyenne Filles13,68(-1,2) 12,44 12,28

Et le second que nous avons reconstruit à partir de deux tableaux différents concerne l’évolution des moyennes entre 2004 et 2018:

2004 2018 écart
Bac GT 12,55 13 ,97 +1,42
2006 2018 écart
BAC PRO 12,51 12,98 +0,47
2007 2018 écart
CAP/BEP 12,96 13,14 +0,18

Il en ressort plusieurs choses qui sont évidentes :

  • Les filles de séries générales, en 2018, ont une meilleure moyenne que les garçons de bac pro et de CAP/BEP.
  • Il n’y avait quasiment aucun écart de notes entre Bac GT, Bac pro et CAP/BEP au début des années 2000. Il est d’un point entre Bac GT et bac pro en 2018.
  • Sur une douzaine d’années, les moyennes ont augmenté, mais si les élèves de série G et T prennent un point et demi, les Bac pro ne progressent que d’un demi-point.

La conclusion est elle aussi évidente : la politique menée en EPS, les modifications de textes et de référentiels, l’accent mis les regroupements d’APSA, a produit une EPS discriminante pour les élèves en difficulté scolaire, alors qu’elle était à peu près « égale », sur ce plan là, dans les

années 2000 ! Nous avons aujourd’hui une EPS « de classe ». On sait par ailleurs grâce aux enquêtes faites par le ministère lui-même que les inégalités scolaires sont corrélées aux inégalités sociales (mais aussi PISA) : « L’origine sociale et le sexe continuent de peser sur l’accès aux diplômes.

Ainsi, parmi les 25-34 ans, 77 % des enfants de cadres ou professions intellectuelles supérieures sont diplômés du supérieur, contre 26 % des enfants d’ouvriers. La proportion de jeunes ayant pour plus haut diplôme un baccalauréat général ou technologique diffère peu selon l’origine sociale. En revanche, seuls 11 % des enfants de cadres ou professions intellectuelles supérieures ont pour plus haut diplôme un diplôme du second degré́ professionnel (baccalauréat professionnel, CAP ou équivalent), contre 46 % des enfants d’ouvriers. En outre, 3 % des enfants de cadres ou professions intellectuelles supérieures sont peu ou pas diplômes, contre 20 % des enfants d’ouvriers.

Parmi les bacheliers, le type de baccalauréat obtenu diffère également selon la catégorie socioprofessionnelle des parents. Si 77 % des lauréats enfants de cadres obtiennent un baccalauréat général, 14 % un baccalauréat technologique et 9 % un baccalauréat professionnel, la répartition est respectivement de 36 %, 22 % et 42 % pour les enfants d’ouvriers. » (Depp)

En faisant donc le lien entre ces 2 informations, on peut conclure que l’EPS qui s’est développée ces dernières années favorise les séries générales qui regroupent majoritairement les élèves issus des catégories sociales favorisées.

Nous souhaitions terminer ce dossier par cette réflexion pour montrer que la question de la certification en EPS, dans le cadre du BAC en l’occurrence, est en fait une question politique.
A travers la certification qui vient ponctuer un cycle d’enseignement, on peut lire et décoder la nature des choix qui sont fait par l’institution et surtout ce qu’ils produisent sur un laps de temps plus ou moins long.

On peut conclure que l’EPS qui s’est développée ces dernières années favorise les séries générales qui regroupent majoritairement les élèves issus des catégories sociales favorisées.

Mais pour reprendre le fil de la critique initiale, nous avons besoin aujourd’hui d’un travail plus approfondi, plus partagé, pour avoir un bilan réel et fin pour avoir une vision qui puisse être fondée. Ensuite évidemment la question des transformations se posera. Et là encore il faut ne pas faire n’importe quoi. A minima, pris par le temps, appuyons-nous sur l’expérience syndicale : en temps de crise, sécurisons d’abord les acquis de la discipline. Dans le domaine de la certification au Bac, c’est à la fois le caractère national, avec des référentiels par APSA, et une forme d’institutionnalisation avec la co-évaluation et le CCF.