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Aisance aquatique des 3-6 ans – contribution du SNEP-FSU

L’apprentissage de la nage fait partie intégrante de l’EPS, discipline obligatoire de la maternelle au lycée. La « conférence de consensus sur l’aisance aquatique », qui s’inscrit dans le cadre d’un plan de luttes contre les noyades, s’interroge sur les conditions à réunir pour « faire que beaucoup plus d’enfants disposent à 6 ans d’une aisance dans le milieu aquatique ».Cette problématique intéresse non seulement les jeunes enfants ,mais également tout débutant qui apprend à nager, quel que soit son âge.

Le SNEP-FSU, fort de l’expérience des professeurs d’EPS conseillers pédagogiques départementaux en EPS et formateurs d’INSPE, tente de faire le tour du problème en se centrant sur la spécificité de la scolarité primaire. Après avoir soulevé les questions aussi bien didactiques que pédagogiques, juridiques que matérielles ou d’encadrement, etc.  le SNEP-FSU  formule quelques propositions pouvant accompagner le fait de délivrer ou non une attestation d’une premier niveau de nage pour les enfants. 

1. Enjeux du développement de l’apprentissage de la natation aujourd’hui

Lorsque l’on parle de natation, (ou plus souvent de « savoir-nager »), ce qui vient à l’esprit en premier, c’est la notion de sécurité : savoir nager pour savoir se sauver ». Cependant, si la lutte contre les noyades est sans conteste un enjeu de société, on oublie trop souvent un enjeu tout aussi déterminant dans notre monde moderne, celui de démocratisation et d’émancipation lié à l’accès à des loisirs actifs.  

  • la natation, c’est l’ouverture à toutes sortes d’activités culturelles liées au milieu aquatique (en piscine, en milieu naturel (mer, rivière…), selon des motivations sportives et/ou récréatives et avec divers motifs (épreuve, performance, compétition, entretien de soi…) et c’est l’accès aux pratiques nautiques (kayak, aviron, voile, etc.)
  • la natation est la deuxième activité sportive et de loisirs la plus pratiquée par les français (source MVJS, 2015). Elle est un des loisirs les plus à la portée de tous les âges et de tous les milieux. Les jeux aquatiques sont un des loisirs essentiels (pour nombre d’enfants, un des rares loisirs sportifs en hiver ou en été), accessibles à un très grand nombre, souvent gratuit (mer, lacs).
  • L’évolution du rapport historique des humains au milieu aquatique a ainsi évolué : du passage dans l’eau pour s’en sortir rapidement à (sauf chute accidentelle) la recherche volontaire d’aller dans l’eau pour y rester et s’y amuser[1]

Apprendre à nager à tous les enfants est donc un objectif que doit se fixer notre société pour des raisons de santé, d’appropriation culturelle des pratiques sociales sportives et de loisir, de démocratisation et d’émancipation de tous et toutes.  

En conséquence il est important que les enfants aient la possibilité d’être autonomes le plus tôt possible, pour aller à la piscine avec leurs ami-es, frères et sœurs, avec le centre aéré, et y jouer et nager en sécurité, avoir accès aux pratiques nautiques.

Rappel des programmes de l’école primaire et de la circulaire natation

Cycle 1 (grande section)-Se déplacer avec aisance dans des environnements variés, naturels ou aménagés : Explorer avec plaisir le milieu aquatique. Découverte du corps flottant : se laisser porter par l’eau. Adaptation des échanges respiratoires. Réalisation de coulées ventrales avec la tête dans l’eau (et le regard dirigé vers le fond). Exploration de déplacements avec la tête dans l’eau en s’aidant des bras et des jambes. Exploration de la profondeur et du volume aquatique pour aller chercher des objets immergés.

Cycle 2 (CP, CE1, CE2)  Se déplacer dans l’eau sur une quinzaine de mètres sans appui et après un temps d’immersion.

Repères de progressivité : Passer de réponses motrices naturelles (découvrir le milieu, y évoluer en confiance) à des formes plus élaborées (flotter, se repérer) et plus techniques (se déplacer). Passer d’un équilibre vertical à un équilibre horizontal de nageur, d’une respiration réflexe à une respiration adaptée, puis passer d’une propulsion essentiellement basée sur les jambes à une propulsion essentiellement basée sur les bras.

Cycle 3  Réaliser une performance  pour aller plus vite, plus longtemps. Adapter ses déplacements à des environnements variés : Connaitre et respecter les règles de sécurité Valider l’attestation scolaire du savoir nager (ASSN). 

La natation fera l’objet, dans la mesure du possible, d’un enseignement sur chaque année du cycle

Circulaire natation B0 du  12102017: « Pour permettre aux élèves de construire les compétences attendues, en référence aux programmes d’enseignement, il importe, dans la mesure du possible, de prévoir trois à quatre séquences d’apprentissage à l’école primaire (de 10 à 12 séances chacune) ». Soit un total de 30 à 44 séances. 

1. Les noyades 

Le rapport « Pour une stratégie globale de lutte contre les noyades » mené par une mission pilotée par Véronique ELOI-ROUX (IG Education Nationale) et Thierry MAUDET (IG jeunesse et sport) mis en ligne le 23 octobre 2019, a fait un état des lieux et une analyse des causes de noyades. Il souligne que, si l’apprentissage de la nage reste indispensable, il ne peut constituer à lui seul le levier de nature à faire baisser significativement les chiffres des noyades.

En effet, la majorité des noyades concerne les moins de 6 ans dans des piscines privées et les plus de 65 ans. La plupart des noyades des adolescent-es sont liées à des imprudences. La grande majorité des personnes victimes de noyades « savaient nager », hormis les très jeunes où la cause est le manque de surveillance ! 

Le rapport préconise la nécessité d’un plan de communication médiatique volontariste vers le public adulte portant sur la responsabilité individuelle et l’intérêt de prendre en compte les dimensions éducatives, de prévention et de respect des règles (lieux interdits à la baignade). Nous sommes d’accord avec cette approche. Le rapport propose la mise en cohérence des différents tests qui existent actuellement en créant un test unique visant à attester de la « compétence à se sauver ». La problématique ainsi posée montre donc qu’une centration exclusive sur le « savoir se sauver » (ou autres formulations qui sous-tendent la même idée) est une vision à court terme, voire une impasse. Il est nécessaire d’avoir une approche beaucoup plus globale et ambitieuse.

2. La natation : statut particulier et paradoxes 

Si l’on compare aux autres sports, la natation est depuis toujours considérée comme une activité « à part » dans l’enseignement, avec notamment des circulaires et des brevets spécifiques (c’est le seul enseignement qui actuellement se traduit par une attestation délivrée par l’Ecole en fin de cycle 3 nommée ASSN : attestation scolaire du savoir nager). Ainsi la société reconnait le risque de noyades comme un problème majeur. Ce statut particulier a un revers : l’apprentissage de la natation est imprégné d’un inconscient collectif : la peur de se noyer. Celle-ci est liée certes à des risques objectifs (nous sommes des terriens et non spontanément adaptés au milieu aquatique) mais aussi des éléments subjectifs, qui font que la peur de l’eau se transmet aux enfants de générations en générations par toutes sortes de comportements familiaux dès le plus jeune âge, en fonction de l’environnement culturel.

Se transmet également, et c’est moins compréhensible – une façon d’apprendre à nager très « traditionnelle » : certes, on n’apprend plus depuis longtemps à nager sur des tabourets, mais on enseigne encore très majoritairement des gestes (des formes de nage), avec des flotteurs (brassards, bouées, frites…) 

Or, nous savons depuis 50 ans qu’un enfant n’apprend pas à nager comme ça ! 

– Depuis 1977[2], des spécialistes de l’enseignement ont montré, grâce à une nouvelle approche didactique et pédagogique de la natation, qu’apprendre à nager, c’est d’abord expérimenter la flottaison, l’apnée (« même en ouvrant la bouche, je ne bois pas »), explorer le fond de la piscine. Ils ont également montré qu’on apprend à nager sans « prothèses » (sans bouées et sans brassards) pour que l’enfant (ou l’adulte) puisse ressentir pleinement cette flottaison et construire un nouvel équilibre/respiration/propulsion. Le film Digne dingue d’eau montrait en

1977 que la première étape d’une telle transformation peut s’opérer – avec un spécialiste – en une quinzaine de séances à raison de 2 séances par jour pendant 2 semaines. Cette expérience vient à nouveau d’être filmée, avec le même succès[3].

Paradoxe :

Comment expliquer alors que l’on sait cela depuis 50 ans- que l‘on continue à laisser les parents, les MNS, les enseignant.es mettre des brassards et des bouées aux enfants ?  Notons au passage que ces objets ne sont pas des Equipements de Protection Individuelle Sport et Loisirs (EPI-SL) recommandés ou rendus obligatoires comme dans certaines activités, fait assez troublant dans notre société, de plus en plus judiciarisée. Si les bouées et brassards répondaient à des obligations de sécurité, ne seraient-ils pas des labellisés EPI-SL ? Au contraire, on peut les acheter dans n’importe quel supermarché et les utiliser avec la simple recommandation« à ne pas utiliser sans surveillance… ». 

Avec ces « prothèses », tout le monde est leurré. D’abord l’enfant qui vit une expérience biaisée de la natation (ayant toujours eu des brassards, il ne sait pas qu’il ne flotte pas sans eux) et les parents qui pensent leur enfant en sécurité et ne pas avoir besoin de le surveiller. De surcroit, cela allonge considérablement le temps d’apprentissage pour devenir autonome. Une campagne d’information pédagogique (relative aux gestes familiaux sous la douche, les jeux possibles avec les enfants sans brassard et sans frite) est effectivement nécessaire. Si un test d’aisance aquatique peut jouer ce rôle pédagogique, il sera utile. 

3. Le « savoir nager » et « l’aisance aquatique » 

Le « savoir nager », comme le « savoir-lire » est un savoir complexe et un processus jamais terminé. Plutôt que « savoir nager », nous préférons dire « apprendre à nager », comme on dit « apprendre à lire ». Un enfant de 6 ans sait lire, mais ne peut pas encore tout lire. C’est pareil pour le « savoir-nager » ou l’ « aisance aquatique ». Quand sait-on vraiment nager ? Quand est-on vraiment à l’aise dans le milieu aquatique ? L’Education Nationale a défini 3 paliers du « savoir nager » de 2011 à 2015 (circulaire du 07/07/11) et depuis 2015 elle délivre une attestation scolaire du « savoir nager » (ASSN, arrêté du 9/07/15).  Cette appellation est potentiellement dangereuse (le SNEP-FSU l’avait déjà signalé lors de la mise en place du test) parce qu’elle est trompeuse pour les parents et l’élève lui-même. Un élève à qui on délivre l’ASSN sait-il réellement nager, notamment à la mer, dans une rivière (on voit ici que la notion même de « milieu aquatique » pose problème) ? Saura-t-il se sauver dans n’importe quelle circonstance, même « dans un établissement de bains ou un espace surveillé (piscine, parc aquatique, plan d’eau calme à pente douce) » comme précisé dans l’arrêté du 9-7-2015 ? Rien n’est moins sûr ! Ce type de certifications correspond à un niveau donné au sein d’un long processus d’apprentissage et de perfectionnement de la nage. Ce sera aussi le cas pour un éventuel test « d’aisance aquatique ».

De très nombreux sports ont réglé cette question des niveaux par des étoiles et des flocons (au ski), des ceintures et des dans (au judo, karaté), des galops en équitation, etc. Ces niveaux sont intéressants au plan pédagogique parce qu’ils donnent un repère extérieur à l’enfant, une indication qui lui permet de se situer en tant que : débutant, débrouillé, confirmé, etc. Aujourd’hui, l’ASSN apparait comme le 1er niveau de test (débutant) ; si un nouveau test moins exigeant existait, l’ASSN changerait de statut et deviendrait le niveau « débrouillé », c’est une question de progressivité des savoirs. On pourrait effectivement, à l’instar des autres sports, permettre aux enfants de se situer avec des dauphins (ou autre appellation) sur une échelle de 1 à 4 par exemple, du plus débutant au plus haut niveau de maitrise. 

Sur le plan pédagogique, ce serait très intéressant. Bien identifier ses savoirs et savoir-faire est nécessaire pour ne pas se leurrer soi-même et pour se fixer des objectifs de progrès.

C’est vrai pour tous les élèves et en particulier pour celles et ceux qui sont le plus éloigné.es des codes scolaires. Dans le cas de la natation, ne pas bien connaitre son niveau fait courir le risque de se surévaluer (prise de risque inconsidérée) ou au contraire de se sous-évaluer (se censurer dans le fait d’aller à la piscine de manière autonome). 

Bien identifier ses savoirs et savoir-faire est nécessaire pour ne pas se leurrer soi-même et pour se fixer des objectifs de progrès.

Nous sommes donc favorables pour expérimenter, dans un premier temps, 3 repères scolaires de natation correspondant à 3 étapes didactiques importantes. Un premier niveau obtenu vers 5-6 ans, un deuxième niveau en fin de cycle 3 (ASSN actuel ou test du même type), un 3ème niveau obtenu en fin de troisième (cf. programmes collège de 2008[4]). Ce serait 3 repères de culture commune pour tous les élèves (un 4è niveau pourrait correspondre au Bac). Nous proposons en annexe des repères de niveaux (programmes alternatifs du SNEP-FSU)

Problème de la conception du test  

Pour définir un niveau, il faut être précis dans les exigences à évaluer, sinon, on risque de ne pas évaluer les mêmes compétences !  Exemples pour le test de niveau 1 : sauter dans l’eau sans se boucher le nez ou en se pinçant le nez ne traduit pas la même adaptation au milieu aquatique ! Sauter et aller toucher le fond ou sauter en écartant les jambes pour éviter d’aller toucher le fond non plus ! Rester 10 secondes sans bouger sans être totalement horizontal ou au contraire totalement horizontal ne traduit pas la même expérience de flottaison. Ou encore, rester sous l’eau 10 secondes ou 2 secondes … On peut multiplier les exemples qui expriment la difficulté à définir la compétence et la façon de la vérifier. 

4. Discussion au plan juridique  

Il est clair que pour nous, un test de 1er niveau n’a qu’une valeur pédagogique et en aucun cas juridique. On ne peut imaginer que l’obtention du 1er niveau donne des garanties aux parents sur le plan de la sécurité, sauf à renforcer le risque de noyades. Avoir le brevet de niveau 1 ne doit pas faire croire à l’enfant qu’il ne court aucun risque, ni faire croire aux parents qu’ils peuvent relâcher leur surveillance. Pour les mêmes raisons, nous sommes pour supprimer les appellations « savoir nager ou, pire, « savoir se sauver ».

Avoir le brevet de niveau 1 ne doit pas faire croire à l’enfant qu’il ne court aucun risque, ni faire croire aux parents qu’ils peuvent relâcher leur surveillance

5. Le rôle de l’école : pour un saut qualitatif 

Dans le texte préparatoire à la conférence de consensus, le rôle de l’Ecole est affirmé mais également mis en question. Dans le « thème 6 : la compétence à l’encadrement », le rôle des enseignants est minimisé. A contrario, le rapport conjoint IGEN/IGJS Eloi-Roux Maudet sur la lutte « Pour une stratégie globale de lutte contre les noyades » rappelle son rôle irremplaçable.

Nous pensons effectivement que l’Ecole – si elle est en avait les moyens – serait en capacité de relever le défi de l’apprentissage pour tous et toutes en très peu de temps !  Autrement dit nous affirmons qu’aujourd’hui, si on voulait que tous les enfants de France sachent nager, on le pourrait ! 

Deux leviers majeurs à activer : Le nombre de bassins et la formation des enseignants.

5.1. Le nombre de bassins

Le manque de piscines est un frein incontestable pointé dans plusieurs rapports de la Cour de Comptes. Celui de février 2018 sur les piscines[5] indique qu’« un tiers des classes élémentaires ne bénéficie pas d’une offre de bassin jugée satisfaisante au regard des objectifs d’apprentissage ». Celui de septembre 2019[6], que « le manque d’infrastructures est la principale cause de non-participation au dispositif « savoir nager ». » mené dans l’académie de Créteil.

D’autre part, le rapport de 2019 souligne que l’évolution croissante des bassins de loisir/bien être et celle de la gestion des piscines en délégation de service public (DSP) tendent à privilégier des activités plus « rentables » financièrement et conduisent à la conception de bassins peu adaptés aux apprentissages et à la réduction du nombre et de l’amplitude des créneaux accessibles aux scolaires.  Il est nécessaire de créer les conditions et les synergies, particulièrement financières, pour rénover et construire des piscines adaptées aux apprentissages partout où il en manque. Un plan national d’envergure, associant état et collectivités territoriales, serait un véritable signe qu’il s’agit là d’une urgence. 

5.2.  La formation des enseignant-es

L’autre principal levier est d’améliorer considérablement la formation des enseignant-es, du primaire. Si l’horaire de natation était renforcé en STAPS et en INSPE, si on formait tous les PE en formation initiale et qu‘on offrait des stages à tous ceux qui le souhaitent en formation continue, on ferait un bond en avant formidable ! 

En ce qui concerne les PE, des années d’expériences en formation initiale et continue, via les CPD et les formateurs d’IUFM puis d’INSPE, nous amène nous amène à faire certains constats satisfaisants et porteurs d’améliorations : 

  • Aujourd’hui, la quasi-totalité des jeunes professeur-es des écoles savent nager (il y a très peu de grands débutant-es en master 1). Exemple à l’INSPE de Saint Lô  en 2017 : 98% de réussite à l’ASSN, 98% savent nager 25 m crawl suite à 4 séances de pratique natation (chiffres dans la continuité des résultats à l’ASSN de l’académie de Caen.)  
  • La courte période où la formation initiale a pu consacrer 18-20h à la natation (6 demi-journées consacrées à la didactique/pédagogie associée à de la pratique personnelle), les enseignantes possédaient les outils pour enseigner (contrairement à ce qui se dit souvent, il n’est pas plus difficile d’enseigner la natation que les sports collectifs pour un-e PE aujourd’hui). Nous faisons les mêmes constats avec 3 jours en formation continue. 
  • La majorité des enseignant-es comprennent bien la nécessité d’enlever les brassards et les bouées et le fait « qu’on n’apprend pas des gestes ». Lorsque les documents didactiques sont adaptés, la majorité des enseignant-es se sentent capables d’enseigner… à condition qu’on ne tente pas de leur faire croire l’inverse ! (Ceci vaut pour toutes les APSA où il y a substitution et non collaboration entre intervenants extérieurs et enseignant-es). 
  • Un suivi de formation en T1 (première année de titulaire) permet aux enseignant-es – débutants d’opérationnaliser les connaissances acquises (lien formation initiale/formation continue). 
  • Si un-e enseignante ne se sent pas capable d’enseigner, la loi permet des échanges de service, donc il n’y a aucun obstacle formel pour que les élèves bénéficient d’un module de natation enseigné par un autre P.E que celui qui est habituellement en charge de la classe. Dans le cadre

du cycle 3, il est prévu des collaborations avec le collège et l’appui possible d’enseignants d’EPS, comme le précise la circulaire sur l’encadrement des APS parue au BO n°34 du 12/10/2017.

Des obstacles dépassables par la formation et des meilleures conditions d’encadrement  

  • S’il y a des obstacles, ils sont quasiment tous dépassables par la formation et une amélioration des conditions de l’encadrement : des obstacles d’ordre éthique et politique (« est-ce à l’école, donc à moi, d’apprendre à nager , ne serait-ce pas le rôle des familles ? »), professionnel (« je ne suis pas compétent-e, j’ai peur de faire des erreurs  », ou a contrario « le MNS m’impose de mettre des brassards et des bouées » ),  personnel (« je ne veux pas me mettre en maillot de

bain, je ne veux pas aller dans l’eau » (comme si c’était une obligation !) ; 

  • Il faut miser sur des apprentissages plus rapides. Cela suppose d’une part d’enlever les flotteurs et donner accès au grand bain aux débutants. D’autre part, pour pallier la peur de ne pouvoir surveiller tout le monde et la difficulté à mettre en oeuvre une pédagogie adaptée, les groupes ne doivent pas dépasser 8-12 élèves. 
  • Des apprentissages massés type « classes natation » peuvent permettre également des apprentissages plus rapides. Leur développement est lié au manque de piscines et aux problèmes de financement. 

Les points d’appui

  • Dans tous les départements, il y a des CPD qualifiés (ou facilement qualifiables après 2 jours de formation nationale) qui peuvent impulser, encadrer la formation continue en natation 
  • Dans tous les départements les CPC peuvent aider les enseignant.es à condition que trop de missions « hors EPS » ne leur soient plus confiées. Il serait tout à fait possible de généraliser 3 jours de stages de Formation Continue pour tout enseignant de Grande section/CP allant nouvellement à la piscine, avec un plan pluriannuel si besoin. Pour cela, il ne faudrait pas que la formation continue soit limitée aux français-mathématiques comme c’est le cas actuellement !
  • Le CRPE a supprimé l’épreuve de natation depuis 15 ans, or celle-ci permettait d’inscrire la natation dans les cursus de formation initiale (il s’agissait de nager 50 mètres et de réussir une épreuve de sauvetage avec transport d’un petit mannequin sur 12,5 m). Aujourd’hui, il est demandé un brevet de 50 mètres (sans exigence particulière). La suppression de l’épreuve EPS (annoncée récemment, novembre 2019) va obligatoirement impacter négativement la formation des professeurs des écoles, en contradiction totale avec les enjeux soulevés par la conférence de consensus !

Des exemples à suivre :

  • Certains départements financent des projets « classes natation » des collégiens (par ex. Le CD de la Manche). D’autres participent financièrement à l’accès aux bassins (droits d’entrée) et aux transports (CD calvados, CD Nord) pour les classes de 6èmes.  
  • Dans la Manche, Il y a quelques années, un PE était affecté sur un centre PEP qui accueillait des classes natation. Des écoles, mais également des classes de collège du département, ou des départements voisins, y étaient accueillies pour organiser des « stages massés ». Ce poste a été supprimé. Or, disposer d’un centre de ce type par département dont l’encadrement serait assuré par un cadre de l’éducation nationale permettrait de démultiplier ces stages. 

Un investissement pour l’avenir  

Bien sûr, toutes ces propositions coûtent ! Nous posons immédiatement la question : coût ou investissement ? Pour nous la réponse est claire. Annoncer une dépense ou un coût signifierait que, contrairement à l’affichage, ce n’est pas un enjeu de société. Par ailleurs, pour nous, l’Ecole a des ressources et la solution n’est pas à chercher en dehors de l’Ecole en

voulant désespérément multiplier les partenaires. Le temps péri-scolaire ou le temps des vacances ont un autre rôle à jouer que celui de l’Ecole : s’amuser, s’ouvrir au monde, se reposer, compléter sa formation… mais ils peuvent aussi être l’occasion pour les enfants d’expérimenter et de stabiliser ce qu’ils ont appris à l’école. 

Une politique volontariste d’entrées gratuites à la piscine, déjà mise en œuvre par le passé, serait à généraliser (suite à un premier module de natation par exemple) pour inciter les familles, notamment celles aux revenus modestes, à poursuivre cet apprentissage et aller vers une ouverture culturelle des sports et activités aquatiques et nautiques! 

La politique volontariste affichée de la ministre des sports, l’existence de la conférence de consensus sur « l’aisance aquatique » nous semblent créer un contexte favorable pour populariser l’idée que « tous les enfants de France peuvent apprendre à nager et l’Ecole est prête à relever le défi  ! ». Reste à convaincre le ministre de l’Education nationale lui-même ! 

Nous résumons ici nos propositions :

  • Une formation des enseignant-es (3 jours minimum) centrée sur un apprentissage moderne, plus efficace et plus rapide de la natation avec diffusion d’outils[7]. Pour réussir cela, il faut développer la formation spécifique en EPS et non la réduire comme le fait le ministère de l’Education Nationale depuis plusieurs années ! 
  • Un développement des stages massés.
  • Un état des lieux de l’enseignement de la natation publié régulièrement par l’Education Nationale.  
  • Des séances gratuites dans les établissements de bains publics après un premier module pour permettre la stabilisation des apprentissages. 
  • Une campagne de sensibilisation sur la relation parent-enfant pour moderniser la représentation de l’apprentissage de la natation du grand public et favoriser la prise de conscience de la responsabilité individuelle face aux risques du milieu aquatique
  • Un plan de développement, concerté entre l’Etat et les collectivités territoriales, des infrastructures adaptées aux apprentissages et en phase avec les préoccupations écologiques : c’est possible, le SNEP-FSU a déjà édité des ouvragessur le sujet.

Vous trouverez en annexe de ce document la proposition « alternative » de programme, produit par le SNEP, concernant la natation. Il est intéressant de noter que cette fiche, s’adressant à toute la scolarité, met en évidence cette continuité, en réfléchissant en grandes étapes et non en âge ou niveau scolaire.

ANNEXE – fiche programme toute scolarité proposée par le SNEP FSU

Attendus 

S’inscrire dans un projet de transformation motrice en s’appropriant les principes fonctionnels de la technique du crawl pour construire une locomotion aquatique autonome

Être capable de se déplacer de manière continue sans avoir besoin de s’arrêter, sans recours à des accessoires de propulsion, de flottaison ou de respiration. 

Plonger du bord et nager en crawl sans aucun arrêt sur des distances de plus en plus longues.  

Pourquoi le crawl ? Le crawl est la nage la plus rapide et celle qui a la meilleure efficience lorsque l’on veut nager longtemps. Tout comme la marche ou la course cette locomotion aquatique utilise des mouvements alternés des membres, plus économique en énergie. Son appropriation nécessite une transformation

profonde de la sensori-motricité du piéton terrien y compris son activité ventilatoire coordonnée aux actions de bras. Sa conquête permet un accès facilité aux autres modes de nage. Cette technique de nage est toujours utilisée dans les épreuves de « nage libre », y compris en eau libre.

Connaissances et compétences associées 

Les représentations fonctionnelles des élèves (peur de s’engloutir, de chuter, de perdre l’équilibre, de se remplir d’eau…) sont des obstacles à l’apprentissage et devront être transformées par des réussites dans l’action. Les connaissances et compétences concernent les propriétés de l’eau, les propriétés du corps humain dans l’eau, les propriétés des actions sur l’eau sur le corps et du corps sur l’eau. Elles s’acquièrent en 3 grandes étapes : 

Etape 1 : Construire le corps flottant (sentir que l’eau nous porte)

Étape 2 : Construire un corps « projectile » (qui passe à travers l’eau avec une résistance amoindrie).

Étape 3 : Construire un corps « projectile et propulseur » (apnée ou expiration longue) Etape 4 : Construire des solutions respiratoires pour nager des distances de plus en plus grandes, en crawl, avec efficience (moindre coût énergétique) : 200m et au delà. 

Construire les mêmes principes en diversifiant les modes de nage, ventral et dorsal, alterné et simultané

1. Construire le corps flottant 

Passer d’un corps érigé en réaction à la pesanteur à un corps flottant passivementdans l’eau. 

Prendre en compte les forces externes qui agissent sur le corps et déterminent son degré d’immersion, son orientation, sa posture. 

  1. 1-Se déplacer, utiliser de moins en moins d’appuis pour se déplacer le long du mur

1.2. S’immerger totalement et volontairement dans une eau légèrement supérieure à la taille, descendre et toucher le fond du bassin, et se laisser remonter passivement. A ce stade, l’apnée est

sollicitée

1.3-Adopter une posture corporelle déterminée pour obtenir une orientation du corps. Sentir la position relative des différentes parties du corps les unes par rapport aux autres (essentiellement extension/flexion de la tête, bras par rapport à la tête…). Etre totalement relâché, décontracté dans l’eau. « Sentir que l’eau nous porte, que plus on est dans l’eau, plus on flotte ». « C’est plus difficile de rester au fond que de remonter ». Repère : Être capable de rester allongé, bras dans le prolongement du corps, bouche ouverte, environ 30 secondes sur le dos, sur le ventre (environ 10 secondes). 

2-Construire le corps projectile (indéformable : tête, corps et bras alignés)

Passer d’un corps flottant à un corps organisé pour passer à travers l’eau (projectile) à partir d’un plongeon. (le plongeon exacerbe la nécessité de ne pas déformer le corps) A partir d’une impulsion, plonger du bord pour entrer dans l’eau par la tête loin du bord selon un angle et une posture permettant de poursuivre une trajectoire aquatique pour sortir loin à la surface la tête sous les bras.

2.1-A partir du bord, accepter de basculer et entrer dans l’eau par la nuque (roulade) puis le haut du dos. Cela nécessite ne pas regarder l’eau et d’inhiber les réflexes de redressement (automatiques et non conscients) acquis pour se préserver lors de chutes sur terre et non pertinents dans l’eau.

2.2-Lors du plongeon à l’entrée dans l’eau, la tête est placée sous les bras. Pour entrer dans l’eau sans que le corps ne se déforme, le corps est tonique du bout des doigts aux orteils (indéformable). Le corps épouse la trajectoire.

2.3-Pour continuer à nager après le plongeon, le pilotage de la trajectoire aquatique est obtenu exclusivement par le degré d’extension des membres supérieurs et non par un redressement de la tête.

3-Construire le corps propulseur 

A partir d’un corps projectile (tonique, aligné sur la trajectoire du déplacement, immergé sous la surface), se propulser par des actions alternées des membres supérieurs qui exercent des poussées. sur la durée d’une apnée ou d’une expiration longue.  

3.1- Tête fixée et immergée mobiliser les épaules pour réaliser des actions de bras alternatives de grande amplitude en profondeur à fréquence réduite (ventre : nuque étirée ; dos : oreilles immergées)

3.2- Les poussées propulsives sont orientées vers l’arrière. Spontanément les élèves ont tendance soit à s’appuyer vers le bas (pour relever la tête), soit à projeter de l’eau vers le haut et non arrière Agir dans l’eau avec efficacité suppose une perception de son corps et de son espace d’action.

3.3-Pour se propulser, rendre des masses d’eau résistantes. Pour cela, utiliser les avant-bras et les mains comme les pales d’une rame (un propulseur) afin d’accélérer ces masses d’eau vers l’arrière avec une force musculaire d’intensité croissante. Distinguer et différencier les actions propulsives des actions de retour (relâchées) 

4. Construire des solutions respiratoires pour nager des distances de plus en plus grandes, en crawl,

4.1. Alors que l’élève est centré sur l’inspiration, rechercher une expiration active, longue et complète, bouche grande ouverte. Dès lors l’inspiration devient réflexe. 

4.2. Varier les durées d’expirations en lien avec les bras : 1x 9 coups de bras, 2x 7 coups de bras, 3×5 coups de bras, etc. 

4.3.  Pour garder l’alignement, tout en inspirant, sortir la bouche à la surface par rotation de la tête autour d’un axe horizontal. Coordonner avec les actions de bras, l’inspiration s’effectue lors du retour aérien d’un bras, sans appuyer sur l’eau avec l’autre bras. Pouvoir inspirer à droite comme à gauche.

4.3. Automatiser ces modalités ventilatoires pour accroitre les distances nagées. 

4.4. S’organiser en projectile à chaque virage pour reprendre une nage sous-marine puis de surface.

Situations, activités, ressources, variables didactiques

Les ressources mobilisées par les élèves

La première étape est de l’ordre de l’épreuve (au sens de Bernard Jeu), lorsqu’il y a encore incertitude posturale liée aux repères de terrien (peur de s’engloutir, de chuter, de perdre son équilibre, de se remplir d’eau…). Il est essentiel de ne pas avoir recours à des accessoires de flottaison (brassards, frites, bouées..) parce qu’ils permettent de rester encore un peu terrien dans l’eau et ralentissent fortement, voire empêchent les apprentissages visant à transformer l’usage usuel de son corps pour devenir meilleur nageur.

C’est parce que l’élève va mieux se percevoir dans l’eau qu’il va mieux y agir.

C’est parce que l’élève va mieux se percevoir dans l’eau qu’il va mieux y agir. Passer cette première étape, l’élève entrera dans une logique de performance (nager plus de distance, plus longtemps) 

Les variables pour construire des situations

• L’élève utilise puis se libère des ancrages solides (murs, lignes d’eau, perches). Les tâches proposent des buts à atteindre dans des conditions déterminées permettant à tous d’agir. Les exigences portant sur la posture dans l’action sont cruciales. Les perceptions tactiles (le toucher) sont systématiquement mises en relation avec des perceptions proprioceptives (perception des positions relatives des segments du corps) pour prendre des repères sur le milieu et sur soi-même dans ce milieu afin de mieux se percevoir pour mieux agir.

Exigences et critères sur les modalités mises en œuvre

• Les performances (les résultats) réalisées sont essentiellement l’expression d’un niveau d’apprentissage et d’un degré de transformation du fonctionnement corporel confronté à la locomotion aquatique. 

Rappel : tout apprentissage nécessite une succession d’étapes : 1°) déconstruction des solutions spontanées (références terriennes), 2°) patiente recherche de solutions nouvelles adaptés 3°) automatisation des solutions nouvellement acquises. 


[1] Revue Contrepied n°7 « Utopistes nageons ! » (EPS et société) 

[2] Référence : Film Digne dingue d’eau, Raymond Catteau 1977 (Ministère de la Jeunesse et des sports)

[3] Apprendre à nager un film qui bouscule les idées reçues 

[4] Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008

[5] « Les piscines et centres aquatiques publics : un modèle obsolète »,février 2018

[6] « L’école et le sport : une ambition à concrétiser » septembre 2019

[7] voir site EPS et Société