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L’asservissement de l’Université aux intérêts économiques : cas concret des blocs de compétences ?

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Article rédigé par Pascal Anger et Natacha Dellard

La loi ORE met un point d’honneur à la différenciation des parcours permettant l’acquisition de connaissances et de compétences communes garantes de la qualité du diplôme national de la Licence. Toutefois, ces dernières peuvent être acquises de manière indépendante, dans l’espace et le temps, sous forme de blocs de compétences. Un bloc de compétences (BdC), est défini comme un ensemble cohérent regroupant plusieurs compétences interdépendantes et prenant du sens dans l’exercice professionnel. Ainsi, La logique des blocs de compétences (BdC) est de former des étudiants prêts à l’emploi et cette logique serait la solution pour améliorer la réussite des étduiants.es. Ajoutons qu’une confusion peut s’instaurer entre une pratique pédagogique (une approche par compétences) qui est propre ou pas à chaque enseignant, et la construction de la formation par Bloc de compétences.

Au contraire, le SNEP-FSU et le SNESUP-FSU, avec la FSU pensent que : pour former des diplômés qualifiés et autonomes, l’apprentissage de savoirs est indispensable. C’est «l’inscription des compétences dans les savoirs qui permet de s’insérer sur le marché du travail et d’évoluer dans des métiers en perpétuelle évolution, y compris pourles étudiants mettant plus de temps à obtenir leur licence.

Au contraire, le SNEP-FSU et le SNESUP-FSU, avec la FSU pensent que : pour former des diplômés qualifiés  et autonomes, l’apprentissage de savoirs est indispensable. C’est « l’inscription des compétences dans les savoirs qui permet de s’insérer sur le marché du travail et d’évoluer dans des métiers en perpétuelle évolution, y compris pour les étudiants mettant plus de temps à obtenir leur licence.

Quels sont les risques de ces blocs de compétences ? Amélioration de l’apprentissage des étudiants ou vente à la découpe des diplômes et qualifications ?

La nouvelle logique de construction des maquettes de formation autour des blocs de compétences, pose de lourdes questions.

Penser une formation en BdC oblige à repenser toutes les modalités d’enseignement. Les enseignants n’étant plus des transmetteurs de connaissances, mais des facilitateurs d’apprentissage. On doit regarder de près si les BdC sont pensés avec les savoirs et les connaissances et non sans. Il faut que le disciplinaire (par exemple les APSA comme objet d’étude, les sciences sociales,…), puisse continuer à exister fortement dans les BdC. La dimension critique de l’Université serait encore affaiblie.

L’organisation classique des enseignements en présentiel déclinée sous forme de cours, travaux dirigés, travaux pratiques est donc remise en question, ainsi que les volumes horaires.

Cette approche par compétences a déjà été testée depuis de nombreuses décennies au Québec, et dans des pays francophones comme la Belgique et la Suisse avec des résultats plus que mitigés et des preuves de leur dangerosité, notamment par la perte de savoirs dont elle s’accompagne.

De plus la construction des formations en BdC induit un changement de paradigme en passant d’une logique de diplomation à une logique de certification. Ainsi pour valider sa formation (et non un diplôme) un étudiant devrait avoir validé un certain nombre de compétences (par exemple trois sur 5) et satisfait certains critères (notes ?). Se trouveraient sur le marché du travail des étudiants diplômés avec toutes ou parties  des compétences et des non-diplômés également avec toutes ou parties des compétences.

Certes, personne ne peut être contre les aller-retours entre situation professionnelle et université mais le risque est grand de voir nombre de salariés (étudiants ?) privilégier l’acquisition de certaines compétences attendues dans l’emploi visé plutôt que de tenter d’obtenir le diplôme national de la Licence. Le salarié aurait ainsi les compétences nécessaires, mais serait sous-diplômé. Ce qui met en perspective des  économies de salaires, actuellement indexés sur les diplômes. Cette logique de « capitalisation » d’une partie du diplôme contribue ainsi à fournir une main-d’œuvre formée, mais pas protégée par une qualification reconnue. Elle participe à la précarisation généralisée de l’emploi. Certains étudiants auront des diplômes, les autres devront se contenter des blocs et de l’emploi qui va avec ! Nous nous opposons fermement au découpage des formations et des diplômes en blocs de compétences et réclamons des diplômes pleins et entiers pour tous les étudiants.

Derrière cette problématique des contenus d’enseignement et des BdC, se joue donc le débat sur l’avenir des diplômes et qualifications qui pourraient disparaitre, au profit des compétences.

Par ailleurs les étudiants pourraient rester moins longtemps en formation et donc à l’université, ce qui ferait des économies. Des universités, des IUT pourraient vendre des compétences ou des BdC à des salariés. Cela améliorerait les ressources de ceux-ci par exemple. Un marché de la formation par compétences prend forme.

Ajoutons que l’ambition affichée d’une formation tout au long de la vie, permettant de répondre au besoin de chaque individu de monter en compétences, à partir du moment où elle ne s’accompagne pas de moyens humains et horaires supplémentaires s’apparente à envisager de construire une maison sans ciment. Cette ambition n’est qu’une usurpation.

Alors les BdC un outil d’asservissement de l’université aux intérêts économiques ? « L’objectif d’insertion professionnelle se réduirait à une employabilité immédiate et adéquationniste. L’Université serait mise au service des intérêts économiques particuliers. »

Sur la base d’un article de Caroline Mauriat du SNESUP-FSU.