La revue ContrePied joue avec les mots. Elle prend la balle au rebond d’une situation chaotique et en guise d’incitation questionne notre profession. Tous d’attaque ?
Tous d’attaque ? En guise d’appel à se lancer à nouveau dans cette activité qui mélange finesse et ruse, précision et vitesse.
Le tennis de table semble avoir été boudé par notre profession, lui préférant le badminton pour son intensité physique et la mise en réussite des élèves. A y regarder de plus près, nous retrouvons les mêmes caractéristiques du jeu : des joueurs au centre de l’espace de jeu, qui renvoient la balle sans chercher à mettre en difficulté le joueur adverse. En tennis de table, on parle de « jouer à poussette ». Les balles frappées de volée, les lifts, les coupés ne sont pas la majorité des modes de jeux utilisés par nos élèves. Le pari de la revue est de redonner envie aux enseignants d’apprendre aux élèves à jouer vite, à jouer fort, à jouer placés, à jouer avec effet, pour en faire des joueurs capables d’attaquer l’adversaire et ne pas être simplement sur une logique de renvoi. Et si la cible n’était pas simplement la table, mais aussi derrière le joueur adverse. Un changement de regard en 3D qui ouvre les possibles et donne de nouveaux pouvoir d’agir aux élèves. Chacun et chacune se délectant de plaisir en frottant la balle, en frappant pour faire claquer la balle, en jouant sur le petit côté.
21 ou 11 points ?
Il est étonnant qu’alors que cette règle a évolué il y a plus de 20 ans, elle ne soit pas majoritaire dans l’enseignement. Le tennis de table en EPS est devenu un jeu qui se joue au temps. Ce n’est pas si grave diront certains… Pourtant à la lecture de la revue ContrePied, notamment sur les articles qui font référence à l’évolution du règlement, ce changement a des incidences importantes sur la culture du jeu et peut aussi peut-être expliquer un désintéressement progressif des élèves et des enseignants.
Pourquoi ne pas davantage saisir la taille des balles pour rendre le jeu plus spectaculaire ?
Le centre EPS et société joue un rôle dans un secteur qui devient de plus en plus problématique pour notre profession : celui de la formation continue dans les APSA. Les professeurs d’EPS enseignent des activités sans avoir la possibilité de vivre des formations continues qui leur permettent de faire une mise à jour.
En butinant quelques articles, le lecteur sortira sans aucun doute plus cultivé et d’attaque pour programmer le tennis de table.
Tennis de table, technique VS rôles sociaux ?
L’apprentissage des techniques des différents coups peut être un obstacle. Pour le contourner, on peut être tenté de se centrer sur les « rôles sociaux » et une motricité minimale. Une mise en opposition qui pense ainsi asseoir la place de notre discipline au sein du système scolaire. Ce questionnement sur l’identité de l’éducation physique semble vouloir mettre dos à dos ceux qui voudraient permettre aux élèves de s’approprier la culture sportive et artistique, et ceux qui seraient davantage en phase avec l’avenir de notre discipline et les besoins de la jeunesse, faisant un pas de côté sur l’ambition culturelle, valorisant le caractère généraliste en leur permettant d’apprendre à apprendre et à s’entrainer.
Un curieux retournement de situation, qui pourra faire croire à la jeunesse qu’en sachant moins maitriser les techniques des activités physique et sportives, elle va pouvoir davantage être libre et fonder une culture ludique. Le savoir et la connaissance accumulée par les générations d’êtres humains, leur inventivité technique dans la recherche de l’adaptation la plus fine aux règles et règlements serait devenue inappropriée à la définition de notre discipline et à sa place au sein de l’école. Le Centre EPS et Société montre qu’au contraire, la richesse de notre discipline se situe dans cette articulation des différentes caractéristiques de la culture sportive et artistique.
La revue ContrePied a raison de poser la question tous d’attaque ? Pour relever le défi de ne pas lâcher l’ambition d’exigence technique et intellectuelle pour les enfants et les jeunes, et en particulier ceux issus des milieux populaires. Comme le montre la dernière étude de l’INJEP, si les classes moyennes et supérieures pourront rejoindre les gymnases et les clubs après l’école, le weekend ou les vacances, les milieux les plus modestes de la société française ont surtout l’école pour rencontrer, vivre et apprendre la culture.
Bruno Cremonesi