Home > Événements > Assises Nationales de l’EPS
Print Friendly, PDF & Email

Le SNEP-FSU souhaite, dans le cadre des assises de l’EPS de demain organisées par l’ENS de Rennes, porter quelques réflexions et propositions sur la discipline. Il participera aux assises et espère retrouver de nombreux collègues pendant ces deux jours de travail et de réflexion. Bien que nos sections académiques n’aient pas toujours été sollicitées par les organisateurs locaux, nous estimons que les journées nationales concluant l’opération présentent suffisamment d’importance pour qu’un maximum de collègues y participe.

Les Assises de l’ENS nationales auront lieu les 26 et 27 mars 2022 à Rennes. Vous trouverez tous les renseignements nécessaires et les modalités d’inscription ici : http://www.sciencesport.ens-rennes.fr/les-assises-nationales-de-l-eps/

Participez massivement pour porter votre voix dans ces débats

Ci-dessous, la contribution du SNEP-FSU aux Assises de l’ENS

Pensons ensemble l’EPS de demain

Le titre des Assises est prometteur. Il est dans le droit fil de ce que le SNEP-FSU souhaite depuis longtemps : le verbe « penser » est bien entendu déterminant, mais nous retenons surtout l’adverbe « ensemble ». A noter que nous avons récemment proposé un titre pour un article de la revue EPS 1  : Ensemble, bâtissons l’EPS de demain. Penser est nécessaire et sans aucun doute préalable, mais un verbe d’action doit être envisagé dès maintenant.

Le SNEP-FSU souhaite dans ce cadre porter quelques réflexions et propositions sur la discipline. Et si nous le faisons sous cette forme, alors que rien ne nous est demandé, c’est parce que nous pensons que notre point de vue, au croisement de réflexions politiques, syndicales, théoriques et professionnelles, est original et ne sera porté par aucun autre acteur.

Penser l’EPS de demain, oui, mais avec quels outils et quelle matière ? Ne faisant pas partie de ceux qui croient que les choses sont écrites à l’avance, nous ne pouvons que nous appuyer sur l’existant, en faisant quelques hypothèses sur les évolutions possibles ou souhaitables en fonction d’un projet politique. Dans cette logique s’inscrire dans la réflexion « pour demain » sans afficher clairement un projet politique explicite, et sans s’appuyer sur un présent bien défini, discréditerait le propos. Parler de l’EPS de demain revient selon nous à expliciter ce que l’on souhaite, en fonction de la société dans laquelle nous souhaiterions vivre. La fonction de l’école est alors centrale. La question de l’EPS ne pouvant venir qu’après : on ne peut penser l’EPS en soi, sans penser l’école et la société.

Le SNEP-FSU a, depuis 1969 c’est une constante, toujours défendu l’idée qu’un changement de système est nécessaire pour aller vers une société plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle, plus libre. Toutes ses actions allaient et vont dans ce sens.

La première phrase du livre de Laval et Vergne : « Éducation démocratique 2» nous donne le cap : « Nous sommes dans l’obligation de rompre avec l’ancien ordre du monde… la tâche politique de ces prochaines décennies devra consister à défaire et dépasser le système capitaliste si l’on veut réduire les inégalités, développer les formes de participation démocratique, protéger et améliorer l’habitabilité du monde… ».

Ce qui caractérise nos sociétés est le fruit d’un système capitaliste (ce terme parait le mieux caractériser l’économie mondiale qui nous pilote) dont un des effets concrets est l’augmentation chronique des inégalités : pour que très peu de familles s’enrichissent beaucoup, il faut que l’immense majorité y perde… les rapports d’ONG comme OXFAM, chaque année, le montrent sans que ce soit contesté.

Ce quinquennat a rendu encore plus clair le projet porté par la frange de la population la plus aisée qui nous gouverne : réduction des services publics, adaptation aux besoins des entreprises, entretien et développement des inégalités, restriction des libertés.

  • Les pressions économiques et l’idéologie néo-libérale qui entendent « marchandiser » l’éducation, au cours des 40 dernières années, ont affaibli l’idée même de services publics démocratiques pour promouvoir une idéalisation du modèle de l’entreprise, par définition non démocratique. L’école et sa réorganisation, en mouvement permanent, suit cette logique : renforcement du pouvoir central, élimination des contre-pouvoirs, mise en place d’une gestion des ressources humaines coercitive (loi Blanquer, art 1) accompagnée d’une baisse importante et régulière des moyens.
  • Depuis les années 2000, les écoles européennes sont sommées de répondre aux besoins du marché. L’éducation est de plus en plus considérée comme un bien privé soumise aux critères de l’économie, les élèves considérés comme des consommateurs, les parents comme des clients et l’économique l’emporte sur l’objectif d’émancipation humaine. Les réformes se succèdent à un rythme élevé, sans aucun bilan. Dans le même temps, on assiste à une tentative de dépolitisation de la question scolaire au profit d’une technicisation des « dispositifs » mis en place.
  • Après la massification et l’allongement de la scolarité jusque dans les années 90, le constat de l’échec scolaire corrélé avec les classes sociales a conduit la pensée néo-libérale à vouloir accélérer cette adaptation de l’école au marché de l’emploi en Europe : mieux vaut investir dans une école qui organise les apprentissages sur des compétences utiles à la société capitaliste, en lien avec les entreprises. C’est l’ère des compétences de base et des comportements formatés attendus à la charnière des années 90/2000 qui deviendront chez nous les « CMS ». Dans cette logique investir pour une culture commune ambitieuse pour tous et toutes serait une dépense inutile. La part de la dépense d’éducation dans le PIB depuis 1990 est de ce point de vue éclairante 3.

Il y a une liaison organique entre un projet de société et son école, et in fine l’EPS. Il est donc logique que l’évolution de l’EPS ces dernières années, avec les idéologies qui la sous-tendent, soit elle-même de nature néo-libérale 4. En termes de constat, on peut prendre appui par exemple sur les derniers chiffres qui donnaient encore quelques repères nationaux (Commission nationale d’évaluation, 2019) : les écarts (donc les inégalités) entre voie générale, voie technologique et voie professionnelle se sont creusés. En bref, l’accent mis sur la CP5 (devenue CA5 depuis), profite aux meilleurs élèves (filles ou garçons d’ailleurs puisque la moyenne des filles de série générale est supérieure à la moyenne des garçons de la voie professionnelle !).

Il est curieux de constater que dans notre microcosme, une part des discours qui visent à changer l’EPS occultent complètement ce contexte pourtant visible et pesant, pour s’en prendre uniquement à l’orientation sportive de la discipline comme responsable de tous les maux. La réalité est pourtant tout autre : les élèves issus des couches populaires et défavorisées sont aujourd’hui en échec parce que l’école (et donc l’EPS) exige d’eux et d’elles qu’ils et elles se fondent dans un moule comportemental défini implicitement par les classes moyennes supérieures, les classes très aisées allant majoritairement dans le privé. Le sport n’a rien à voir dans l’histoire. Il agit ici comme un spectre que l’on brandit pour éviter de parler des vraies raisons de l’échec du système éducatif à se démocratiser.

Remettre les choses dans l’ordre

Comme le dit justement Cornélius Castoriadis : « c’est (aussi) par l’éducation des nouveaux venus qu’une société se procure un avenir désirable. » D’une certaine manière l’Ecole est une institution (la dernière grande institution) dont la fonction est de poser les bases de cet avenir. C’est dans cette perspective que nous situons notre discours et nos revendications.

L’EPS de demain devrait être d’abord une EPS qui répond aux exigences d’une école démocratique et émancipatrice. Ce qui signifie en premier lieu que le système réponde à l’obligation de moyens pour atteindre cet objectif. Nous ne développerons pas ici tellement ça parait évident pour tout professionnel : un volume horaire suffisant, des équipements décents, un environnement de travail sécurisant (pour les élèves comme pour les profs !), un nombre d’élèves par classe raisonnable pour apporter à chacun et chacune l’aide aux apprentissages… telle est la première des priorités. L’EPS en lycée est aujourd’hui le parfait contre-exemple de ce qu’il faudrait.

Ensuite, dans le droit fil de ce que nous venons d’écrire, l’éducation est un projet social qui doit relier le passé et l’avenir dans l’action présente. Pour nous l’EPS, sous-ensemble du projet d’école, peut donc aussi se penser comme un projet social qui relie :

  • Le passé avec la culture sportive et artistique comme outillage polytechnique sophistiqué à la fois universel et diversifié dont chacun·e doit s’approprier les éléments essentiels.
  • Une certaine idée de l’avenir dans lequel tout le monde aurait droit à des jeux physiques sportifs et artistiques de qualité, non régis par l’argent, soucieux de l’environnement et des autres. Ces jeux sont dans ce sens des terrains d’expérimentation de ses propres capacités.
  • Cette « liaison » passé/avenir se fait par et dans l’action présente où l’EPS propose à chacun et chacune ici et maintenant de jouer à se développer en puisant dans cette culture en constante évolution les éléments les plus universels. Pourquoi universels et non localisés, individualisés… ? Parce que c’est ce qui relie les humains à grande échelle et qui permet le partage le plus large et le plus stable.

Quoi enseigner ?

Qu’est-ce qu’il vaut la peine d’enseigner ? demandait Olivier Reboul, philosophe de l’éducation. Il répondait : ce qui libère et ce qui unit (Reboul, 1989, p.106)5. Cette orientation que nous partageons implique de toujours lier les apprentissages, dont la fonction est de doter chacun et chacune de pouvoir (agir, comprendre, etc.) et la signification humaine et sociale reconnue des savoirs enseignés.

En EPS, tout ce que nous entendons des différentes oppositions exprimées avec ce que nous présentons ici est sur le mode de la caricature qui peut être amusante si l’on est dans le registre de l’humour, mais problématique lorsqu’il s’agit de débattre des idées.

Cette caricature repose sur 3 piliers qui peuvent être présents ensembles ou séparément dans certains discours :

  • Le culturalisme c’est faire du 7 contre 7 en Handball pour respecter le « patrimoine ».
  • Se centrer sur les APSA ne permet pas de se préoccuper de l’élève ni des finalités éducatives.
  • Le sport est « élitiste » et donc crée de l’échec.

Ces discours révèlent en fait une méconnaissance totale des appuis théoriques et pratiques qui fondent une « approche culturelle » 6. Quoi enseigner ? Nous répondons simplement : les éléments essentiels de la culture physique sportive et artistique, comme on le dit et on le fait pour d’autres disciplines.

Quels choix pour l’EPS de demain ?

Si nous résumons ce que nous venons de développer, pour le SNEP-FSU il est clair qu’en premier lieu un grand plan de relance de l’éducation, de la formation et de la recherche est nécessaire. Notons à ce propos et face à ceux qui nous disaient que c’était impossible et que l’argent n’était pas « magique », que nous voyons fleurir ici ou là des dépenses pour les entreprises qui dépassent les centaines de milliards, que les banques font des bénéfices records, comme les compagnies pétrolières… De l’argent existe, il n’y pas de lois économiques hors de la décision politique. Ce plan de relance de l’éducation qui serait un investissement pour l’avenir doit principalement permettre de rendre décentes les conditions d’enseignement : postes, matériels, installations, nombre d’élèves par classe… Ensuite se pose la question d’école, de sa fonction et de sa structure. Vient ensuite la question de l’EPS. Le SNEP-FSU s’est prononcé depuis quelques années sur ce qui fonde son combat pour une discipline qui ne serait pas au niveau où elle en est sans la mobilisation, depuis cinquante ans, de la majorité de la profession.

Récemment, avec le Centre EPS et Société 7, et à la suite de divers épisodes, notamment ceux liés à l’écriture des programmes, le SNEP-FSU a retenu une formule « l’EPS, c’est l’étude des APSA ». Cette formule a bien entendu été critiquée dans les couloirs, mais jamais sur le fond et sans répondre précisément aux arguments avancés. Si bien qu’au bout du compte, on reste sur des questions idéologiques peu rigoureuses. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons y revenir pour qu’il y ait débat sur des bases saines et non entachées de luttes de pouvoir plus ou moins explicites.

Les élèves issus des couches populaires et défavorisées sont aujourd’hui en échec parce que l’école (et donc l’EPS) exige d’eux et d’elles qu’ils et elles se fondent dans un moule comportemental défini implicitement par les classes moyennes supérieures

Pourquoi donc « étude des APSA » ? Deux raisons essentielles. La première se rapporte à la fonction de l’École : cette institution a été conçue pour être le lieu, pour tous et toutes, dédié à l’étude. A l’école, on étudie, on y va pour ça. Il n’y a aucune raison que l’EPS en soit exclue. Et la notion d’étude n’est pas à rapporter à une vision intellectualiste. Il existe des études « pratiques », pas seulement dans notre domaine d’ailleurs. La suite répond à la question : on étudie quoi ? Nous restons bien entendu dans ce qu’énonçait Reboul, ce qui libère ou émancipe, ce qui relie et unit. Sur la question des APSA, les critiques formulées allant jusqu’à prôner leur « effacement » et même l’abandon pur et simple nous paraissent problématique pour plusieurs raisons.

  • La notion même d’APSA est une construction scolaire. Le terme d’APS est très peu utilisé hors de l’école, celui d’APSA pas du tout. Il apparait de façon assez nette dans les IO de 67 8 justement pour dire que « les activités physiques et sportives » sont une construction scolaire, en transformant les pratiques sociales en matière d’enseignement. Le terme APSA, avec son « A » n’arrivera qu’en 1996 avec les premiers programmes collège, grâce notamment à Annick Davisse, qui a été longtemps dirigeante du SNEP. Donc vouloir les « effacer » pour se recentrer sur une EP scolaire est assez curieux puisqu’une APSA est scolaire au sens où c’est le monde scolaire qui a institué le sigle et qui l’utilise dans son langage courant.
  • Il s’agit d’un premier effet de ce qui a été nommé la transposition didactique 9. Les savoirs ou les pratiques que l’on veut transmettre à l’école font l’objet d’une dé-réalisation consistant à les sortir de leur contexte d’utilisation et de pratique, à les modéliser puis à les re-contextualiser dans le cadre scolaire, c’est-à-dire bien souvent en les simplifiant (règlement, règles, formes de regroupement des élèves…) pour les mettre à la portée de chacun et chacune.
  • Elles sont des « objets » culturels (constructions de l’activité humaine) qui sont spécifiques à notre champ disciplinaire. Personne, à l’extérieur de notre microcosme, nous le conteste, et aucune discipline ne peut nous concurrencer sur ce registre. Ce n’est pas le cas du « corps » (l’étude du corps se fait en SVT par exemple) et encore moins des visées générales, santé, solidarité et tous les « s » que l’on peut imaginer pour se substituer au « s » actuel : toutes les disciplines y contribuent ou sont censées le faire.
  • Elles sont en prise, malgré leur traitement didactique et pédagogique, avec un sens et une signification qui résonne aux plans historique et social. C’est ce qui relie et unit. Pratiquer et apprendre dans une APSA c’est d’une certaine manière participer à une histoire plus grande que nous, en tout cas qui nous ancre dans un parcours collectif, comme les autres disciplines le font avec leurs champs culturels propres.

Quelle culture ?

Nous sommes extrêmement surpris que l’on identifie, notamment entre le SNEP-FSU et d’autres, des désaccords sur la définition de la culture. Nous avons pu lire ici ou là qu’il y aurait des culturalistes patrimoniaux, figés apparemment dans le passé, et des culturalistes modernes, centrés sur l’élève et son activité. C’est quand même un peu léger, de penser que le patrimoine puisse continuer à exister, à se développer, se transformer sans l’activité humaine présente, et que l’activité humaine présente puisse faire table rase de ce que l’homme a construit justement pour nous éviter de tout reconstruire en permanence. Inutile de faire appel à de nombreuses références philosophiques et scientifiques 10, mais la culture caractérise l’humain par sa capacité à accumuler des outils qu’il a fabriqué pour vivre. Mais ce patrimoine, pour servir à quelque chose, doit faire l’objet d’une appropriation critique qui nécessite une activité intense d’apprentissage. On ne dit jamais qu’apprendre le théorème de Thalès, la théorie de la relativité, c’est jouer l’objet contre le sujet. Pourquoi chez nous, on dissocierait, voire on opposerait, l’objet de savoir, l’APSA et le sujet agissant ? Il faut en finir avec ces discours. Ceux-ci sont totalement inutiles et à ce jour parfaitement improductifs.

Promouvoir l’activité technique à l’école

Tout le monde connait ou en tout cas reconnait dans le système français la suprématie d’une forme d’intellectualisme qui hiérarchise les disciplines. Les maths et le français, c’est ce qui reste au bout du compte des « fondamentaux » pour le ministre JM Blanquer. Cette « distinction », qui est visible lorsque qu’on regarde de près la place des enseignements techniques à l’école, est sans doute pour une part la cause de l’incapacité de notre système à corriger les inégalités sociales qui se transforment rapidement en inégalités scolaires. La culture valorisée est celle des classes supérieures qui s’auto-sélectionnent sur ces critères.

Pourtant la profession a réussi en ½ siècle à rendre l’EPS si ce n’est principale, du moins importante pour que notre société y consacre un volume horaire supérieur à celui de nos voisins européens, des enseignant·es formés comme tous les autres, et même mieux jusqu’à récemment, des enseignant·es qui sont devenu·es souvent professeur·es principaux, une discipline présente à tous les examens… rien de tout cela n’était a priori évident.

L’EPS, là aussi jusqu’à récemment, était une discipline qui imposait aux élèves une activité technique corporelle complexe, permettant de se doter de pouvoirs importants, dans lesquels pouvaient réussir celles et ceux qui pourtant étaient en délicatesse avec la « forme scolaire 11».

Pourquoi s’acharner depuis une dizaine d’année à détruire cette logique au profit d’une norme scolaire (les CMS, les AFL…) qui forcément va mettre les mêmes élèves en difficulté, tout en disant que s’ils sont en difficulté ce serait à cause de la norme sportive ? Discours assez pervers lorsqu’on assiste justement à une volonté de désportivisation assez prégnante institutionnellement, qui crée la situation actuelle tout en ne reposant sur aucune analyse approfondie et en marginalisant petit à petit les apprentissages « moteurs » au profit d’apprentissages comportementaux.

Pour nous l’activité technique déployée par l’élève pour s’approprier les techniques et tactiques construites dans les APSA est pourtant une activité qui permet de s’émanciper, non seulement en se dotant de pouvoir d’action nouveaux, mais en apprenant aussi sur soi dans l’effort nécessaire pour apprendre. Au lieu de discréditer l’activité technique, nous pensons qu’il faut au contraire la valoriser ou la revaloriser. Apprendre à nager longtemps, vite, reste quelque chose d’extra-ordinaire auquel tout le monde doit pouvoir accéder, pour ne prendre que cet exemple socialement puissant. Et il n’y a que l’Ecole qui peut le proposer à tous et toutes sans discrimination.

L’EPS demain

Du point de vue de transformations à venir, nous pensons qu’il faut envisager une amélioration qualitative massive : la question du « tous et toutes » est pour nous primordiale, vous l’aurez compris. Certes les innovations locales, les transformations à petite échelle sont intéressantes et parfois même exemplaires, mais à l’échelle d’une société, ce sont les transformations de masse, systémiques, qui importent si l’on veut produire des effets visibles, notamment pour lutter contre les inégalités. Nous avons écrit dans un article récent 12que l’EPS de demain doit être celle d’hier voire d’aujourd’hui 13, mais en mieux ! Il nous faut revenir à notre structure fondamentale de la discipline pour la développer : un prof, une classe, une APSA, une durée d’apprentissage, dans le cadre institutionnel avec les valeurs qu’il véhicule. Nous faisons le pari que viser la réussite de tous et toutes est non seulement possible mais indispensable pour la société. Pour cela il faut créer les meilleures conditions pour que l’élève apprenne et intègre les visées générales. L’obligation de moyens devrait être le fil rouge des choix politiques en matière d’éducation. Nous ne prétendons pas que cela suffira, mais cela résoudrait déjà pas mal de problèmes. Dans le même temps il faut réfléchir à ce qu’il faut enseigner. Aujourd’hui, la norme culturelle scolaire est celle des classes moyennes supérieures, les équipes de recherche « Escol » l’ont bien montré. Et l’EPS, qui a pu y échapper une période, a ces dernières années suivi la recherche de cette norme 14. Il faut repenser à ce que devrait être une école « populaire », au bon sens du terme, c’est-à-dire pour tous et toutes. Discutons-en.

Notes :
  1. Juillet 2021 []
  2. C. Laval, F. Vergne. Education démocratique. La révolution scolaire à venir. Ed La Découverte. 2021 []
  3. Cf. les notes sur la DIE depuis 1996 où 1 point de PIB manque chaque année à celle-ci (on est passé de 7,6% à 6,6% soit l’équivalent 20 Mds subtilisés).[]
  4. Didier Delignères, professeur des universités, fait aussi cette analyse, même s’il ne fait pas le lien, comme nous le faisons ici rapidement, entre l’économique et l’idéologique.[]
  5. Reboul, Olivier (1989). La philosophie de l’éducation. PUF, coll. « Que-sais-je ? »[]
  6. Le culturalisme et l’EPS. EPS et Société. 2018.[]
  7. Ibid.[]
  8. La circulaire de 62 parle de sport uniquement. La notion apparait en 67 avec cette définition : « C’est pourquoi l’éducation physique ne doit plus être confondue avec certains des moyens qu’elle utilise ; lorsqu’elle se constitue en matière d’enseignement, il y a lieu de parler, pour désigner l’ensemble de ces moyens, « d’activités physiques et sportives ». []
  9. Voir les travaux de G. Brousseau, Y. Chevallard, JL Martinand par exemple sur la notion de transposition didactique.[]
  10. A minima nous pouvons citer Jérôme Bruner, psychologue américain pour qui la culture est la boîte à outils qui nous permet de comprendre le monde et d’agir sur lui.[]
  11. VINCENT Guy (1980) L’école primaire française, Lyon, Presses Universitaires de Lyon.[]
  12. Dossier n°2.[]
  13. Le « nouveau » n’est en rien un gage de quoi que ce soit.[]
  14. Dans la revue ContrePied, Alain Hébard, ancien Doyen de l’IG avait évoqué d’une autre manière cette idée en disant qu’à trop vouloir cultiver le côté « à part entière » avait délaissé sa spécificité, son côté « entièrement à part ».[]