Home > Dossiers > Sport > Nous construisons les habitus de pratique sportive

Nous construisons les habitus de pratique sportive

Print Friendly, PDF & Email

Stéphane Peu, député (Gauche démocrate et républicaine) de la Seine-Saint-Denis auteur d’un rapport parlementaire sur les retombées économiques et sociales des Jeux olympiques et paralympiques avec Stéphane Mazars, député (Renaissance) publié en juillet 2023.

Bruno Cremonesi : Quelles sont les principales recommandations pour développer l’EPS à l’école ?


Stéphane Peu
: La première chose, et vous le savez mieux que quiconque au SNEP-FSU, c’est de consacrer de nouveau l’EPS comme une véritable matière à part entière, présente dans les épreuves du brevet par exemple. L’EPS comme matière est une conquête, une conquête fragilisée ces dernières années, dans les discours et dans les actes.

La mise en place du bouger 30 minutes par jour a considérablement brouillé le message sur ce qui était attendu de l’école en matière d’activité physique et sportive. Il aurait fallu augmenter le volume horaire effectif d’EPS. Pour cela, les ressorts sont identifiés : améliorer la formation initiale et continue des professeur·es du premier degré, retrouver des conseiller·es pédagogiques en EPS, construire des équipements de proximité pour éviter de perdre trop de temps dans les trajets.

L’EPS dans le secondaire, cela doit être 4 heures au collège à tous les niveaux et pas seulement en sixième. Notre rapport insiste aussi sur le sport scolaire, nous avons rencontré les fédérations. Elles doivent pouvoir être le pont entre l’école et le sport fédéré. Il faut mieux valoriser l’engagement des professeur·es du premier degré en faveur du sport scolaire.

Nous soumettons également d’autres propositions au débat : expérimenter la mise en place de référent·es EPS dans les écoles ou encore la possibilité pour les professeur·es d’EPS d’intervenir dans le 3e cycle de l’école primaire.

Sur 53 propositions du rapport, environ la moitié concerne l’école, du primaire au Supérieur, preuve que c’est notre principal outil pour la construction d’un service public du sport en faveur d’une culture sportive pour toutes et tous.


B.C. : Quelles sont vos recommandations pour développer le sport dans la société ?


S.P. : À l’école, nous construisons les habitus de pratique, grâce à l’EPS et ses professeur·es. Ensuite, l’idée est que tous les publics puissent pratiquer en fonction des envies, des capacités, des attentes.

Il faut casser les barrières à la pratique : de genre, territoriales, liées au handicap, au milieu social également. L’enjeu est d’aller chercher ces « publics » comme on dit.

Pour cela, il faut construire des équipements pertinents, de proximité, en particulier dans les zones carencées. Chez moi en Seine-Saint-Denis, il y a 16 équipements pour 10 000 habitants, c’est très nettement en dessous de la moyenne nationale. La première chose est donc d’avoir des lieux de pratique. Mais avoir un stade, un gymnase, un city stade sans éducateurs·rices dedans ça ne sert à rien. Il faut donc soutenir les clubs, l’emploi et le bénévolat sportif pour leur permettre d’élargir leurs horaires, les nouvelles pratiques axées notamment sur le loisir, aller chercher d’autres formats. Il y a une baisse des licencié·es en faveur de pratiques autonomes.

Un exemple : dans mon département, nous accueillons le centre aquatique olympique. C’est bien mais dans le même temps, plus de 40 % des enfants ne savent pas nager. Si les Jeux ne permettent pas de faire drastiquement baisser ce chiffre, alors nous aurons raté quelque chose. C’est pour cela que j’appelle de mes vœux une grande loi cadre sur le sport à la sortie des jeux.

B.C. : Quelle serait pour vous la priorité sur le budget 2024 pour un héritage des Jeux

S.P. : Nous sortons d’une période budgétaire où j’ai porté de nombreux amendements pour augmenter les moyens des politiques sportives et développer l’EPS. Le budget de l’État en matière de sport est ridiculement bas, environ 1 milliard d’euros. Dans le même temps, les collectivités territoriales dépensent environ 12 milliards d’euros. Les élu·es locaux·ales attendent un meilleur soutien de l’État. J’ai proposé le déplafonnement des taxes finançant l’ANS, ce qui permettait de dégager plus de 200 millions supplémentaires, fléchés sur le développement des pratiques. Il a été voté, mais le 49.3 a balayé tout cela. De même, j’ai proposé des crédits pour recruter à termes 1 500 professeur·es d’EPS supplémentaires. La réussite des Jeux ne passera pas que par le nombre de médailles mais par la construction d’un véritable service public du sport et pour cela, il faut y consacrer enfin les moyens nécessaires ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui.