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Il faut redonner une place bien plus importante au sport et la culture

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Interview Eric DELEMAR, défenseur des enfants, par Andjelko SVRDLIN

Le SNEP-FSU a été auditionné par M. Eric Delemar, Défenseur des enfants, adjoint de la Défenseure des droits, dans le cadre de la préparation du Rapport annuel sur le Droit de l’enfant (2023), la présente édition étant consacrée aux droits relatifs aux loisirs, le sport et la culture. Suite à la publication du Rapport, nous avons pu poser quelques questions à Eric Delemar.

Andjelko SVRDLIN : Eric Delemar, vous êtes défenseur des enfants. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste cette mission ?

Eric DELEMAR : Le Défenseur des droits est une autorité administrative de rang constitutionnel qui veille au respect des droits et libertés par les institutions. Cela concerne donc l’ensemble des services publics mais aussi le tissu associatif car beaucoup d’associations ont une délégation de service public. Nous instruisons 3 500 situations par an relatives à différentes atteintes au droit de l’enfant, le droit de l’enfant à l’éducation étant un motif de saisine parmi les plus importants, comme les refus de scolarisation par certaines mairies ou le harcèlement scolaire et cyber harcèlement. Par ailleurs, outre le traitement des réclamations que l’on reçoit, nous avons une mission de promotion des droits de l’enfant sous forme de rapports, d’avis au Parlement formulant des recommandations.

A.S. : Une partie des recommandations du rapport concerne ce qu’il est communément appelé le « sport à l’école ». Une de ces recommandations vise à renforcer notamment les enseignements de l’EPS. Quel est le constat qui est fait de l’existant et qui incite à ce renforcement ?

E.D. : Nous sommes dans un contexte social et médiatique en vue de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP). En 2024, la promotion de l’activité physique et sportive sera grande cause nationale. Nous nous sommes intéressés dans ce rapport aux conditions d’accès au sport des enfants dans leur quotidien. Car, si nous voulons construire une nation sportive, il nous faut créer un certain nombre de conditions en amont. Notre rapport insiste sur le rôle fondamental du jeu dans le développement de l’enfant, et ce depuis sa naissance, dès le plus jeune âge, dans les crèches, puis à l’école maternelle etc. C’est cette dimension ludique qui nous a intéressés dans toutes ses composantes.

Nous pensons qu’il faut redonner une place bien plus importante au sport et la culture, notamment à l’école et ne pas hiérarchiser les matières enseignées

En EPS, l’élève évolue dans un contexte d’apprentissages en collectif. L’enfant apprend à perdre, apprend à gagner, à socialiser, à interagir avec les autres ! C’est là qu’il se réalise, au sein d’un groupe. En primaire, il faut garantir l’effectivité du sport d’où notre recommandation d’un référent EPS en soutien des professeurs des écoles. De manière plus générale, nous pensons qu’il faut redonner une place bien plus importante au sport et la culture, notamment à l’école et ne pas hiérarchiser les matières enseignées.

A.S. : Vous avez recueilli la parole de très nombreux jeunes pour établir ce rapport. Que disent-ils de l’EPS ? Quelles sont leurs attentes pour une EPS renouvelée demain ?

E.D. : Près de 4 000 enfants ont été entendus provenant de territoires et structures différentes. Les paroles des enfants sont fortes. Nous avons pu entendre toute l’importance du sport dans leur vie scolaire : « grâce au sport, les adultes me regardent autrement ! » La crise sanitaire a exacerbé les phénomènes comme le manque de sommeil, la surexposition aux écrans, le manque d’activité physique etc. Les jeunes sont sensibles à la place du sport dans leur vie. Par ailleurs, ils questionnent le système de notation à l’école. La dimension de l’effort devrait, de leur point de vue, être davantage prise en compte. De façon plus générale, la place de la culture sportive dans la vie de beaucoup de jeunes, en raison de leur engagement dans des clubs sportifs, devrait, à leurs yeux, prendre plus d’importance à l’école. Ensuite, les inégalités territoriales sont bien marquées à travers leur discours. Très souvent, c’est le manque d’offre sportive proche de leur lieu de vie qui est dénoncé. Pour terminer, nous pensons que l’un des enjeux les plus importants est que le sport, comme la culture d’ailleurs, trouve une place renforcée, dans un cadre scolaire nouveau, où les formats de travail scolaire et le rythme des enfants seraient repensés.