Par Bruno CREMONESI
Le rapport national du bac 2024 n’est pas encore publié. Par contre, les académies ont mis en ligne leur rapport académique. Cet article s’appuie sur la tendance qui se dégage de ces rapports et sur le rapport national du bac 2023.
Le top 5 des APSA enseignées
Depuis le début de ce nouveau bac, le top 5 des APSA enseignées ne varie pas de façon significative, que ce soit en lycée général ou professionnel.
Nous pouvons constater qu’en fait, 3 APSA sont enseignées de façon majoritaire en France, la musculation, le badminton et le ½ fond. Les sports collectifs ayant complètement disparu de la triplette des APSA qui arrivent en tête des programmations. Il est d’ailleurs très étonnant que des attaques régulières continuent de cibler le champ 4 comme majoritairement enseigné, alors que c’est surtout le cas du badminton, les sports-co arrivent au mieux à 6,5 % des programmations. Sans compter que ces remarques ne font jamais la relation avec le nombre d’APSA à l’intérieur du champ 4. Celui-ci intégrant à la fois le badminton et les sports de raquette, tous les sports-co et les sports de combats.
Des inégalités ignorées
Depuis la mise en place de ce Bac nouvelle formule, les rapports pointent des inégalités et en ignorent d’autres. En effet, dans ces rapports, nous constatons une centration sur les inégalités des notes entre les garçons et les filles, passant sous silence les activités où les garçons sont moins en réussite que les filles, ainsi que les écarts de notes entre LG, LT et LP.
À travers le prisme non plus des champs mais de celui des APSA programmées, nous identifions 3 APSA où l’écart de notation entre garçons et filles est de plus de 1.5 : 1.64 en badminton, 1.71 en volley. Aucun rapport ne fait mention à l’écart en faveur des filles en danse qui est pourtant de 1.53.
Ces rapports ne signalent pas les inégalités dans les notes entre les bacs généraux et les bacs professionnels. Pourtant, elles sont de 1.27 en ½ fond et de 1.5 en course en durée, de 1.11 en musculation et de 1.34 en step. Dans aucun des rapports, les membres des commissions se questionnent sur ces écarts dans les activités de course ou du champ 5 dans lesquelles les élèves de la filière générale obtiennent de meilleures notes. En croisant les notes et les données sociales des élèves, celles et ceux des lycées généraux sont plus favorisé·es que celles et ceux des lycées professionnels. Nous constatons une certaine corrélation entre les notes et les caractéristiques sociales des élèves, comme si le système d’évaluation venait entériner des dispositions et constructions sociales en plus des acquis scolaires.
Les inégalités les plus évidentes se situent dans les écarts de note entre les filles de lycées professionnels et les filles de lycées généraux.
L’EPS serait-elle compensatrice ?
L’idée de compensation reprend un phénomène constaté dans les politiques d’éducation prioritaire. Plutôt que de chercher à réduire les inégalités, on met en place des mesures compensatrices qui réduisent les écarts dans les résultats, sans permettre une réelle transformation dans les acquisitions réelles des élèves. Ce processus peut se constater à plusieurs niveaux.
L’EPS actuelle, officielle, reproduit et amplifie les inégalités sociales et culturelles, tout en proposant au bout du compte une moyenne générale qui avoisine les 15/20 !
Un premier niveau lorsque les commissions d’harmonisation expliquent réduire cet écart entre les notes des filles et des garçons lorsqu’il est supérieur à 1.5, sans jamais décrypter ni la modalité d’évaluation, ni le processus d’enseignement.
La deuxième mesure compensatrice concerne les AFL2 et 3. Ces AFL viennent compenser les écarts des acquisitions motrices et deviennent une variable d’ajustement laissée à l’enseignant·e pour relever les notes, notamment des « bons élèves », scolaires. Nous arrivons cependant au bout d’une logique, notamment en lycée général où les points en AFL2 et 3 sont très élevés.
Ce processus se décale vers les modalités d’évaluation de l’AFL1 qui va être découpé pour donner une part d’appréciation à l’enseignant·e, y compris dans la prestation motrice, lui permettant encore une fois de compenser les inégalités ou de ne pas attribuer une trop mauvaise note à un·e élève d’un très bon niveau dans toutes les autres disciplines et faible en EPS.
Le champ 5 est présenté comme le fer de lance de l’APSA où les élèves ont les meilleures notes et où l’écart des notes entre les filles et les garçons est le plus faible. De façon ironique nous pourrions nous demander comment font les enseignant·es pour faire réussir aussi bien les filles et les garçons, alors même qu’une grande partie des enseignant·es ont été très peu formé·es. Nous lisons autrement ces faits et proposons une autre hypothèse. Les APSA du champ 5 ont une faible exigence de transformation motrice et des acquisitions essentiellement liées à un autoréférencement, c’est-à-dire à une autodétermination de sa propre réalisation, sans prendre en compte un niveau exigé après deux cycles d’enseignements.
Les moyennes les plus hautes avec plus de 15 sont obtenues en musculation, step et course en durée. Ce sont aussi les 3 activités où les élèves de lycées généraux ont de meilleures notes. Sans niveau d’exigence commun et avec une part au sein même des acquisitions laissées à l’appréciation des enseignant·es, l’EPS reproduit les inégalités culturelles.
Une évaluation et des programmes nationaux pourraient déterminer un niveau que tous les élèves devraient acquérir et une marge de transformation et développement qui permettra à certain·es élèves de pouvoir exprimer leurs possibles, en dépassant l’exigence attendue.
L’EPS actuelle, officielle, reproduit et amplifie les inégalités sociales et culturelles, tout en proposant au bout du compte une moyenne générale qui avoisine les 15/20 ! On pourrait prendre ça comme un problème dérisoire s’il ne mettait en cause la crédibilité de la discipline et, au-delà, sa fonction de donner à tous et toutes de pouvoirs d’agir nouveaux. Il est urgent de redonner du poids à la prestation concrète des jeunes dans les APSA, sur la base de référentiels nationaux travaillés pour donner à tous et toutes de véritables repères d’acquisition.