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Programmes EPS 2025 : champs d’apprentissage contre savoirs techniques 

Analyse du SNEP-FSU de la proposition officielle du conseil supérieur des programmes, juillet 2025.

Malgré la présence de certaines notions importantes dans le contenu du texte, la structuration du texte et l’absence des savoirs techniques des APSA comme éléments fondamentaux de l’EPS maintiennent notre discipline dans une fragilisation incompréhensible.

Définition de l’EPS : vers un développement harmonieux

Le texte commence par une sorte de définition de l’EPS :

« Au collège, l’EPS favorise le développement harmonieux de l’élève en répondant à cinq objectifs généraux… »

La première remarque que nous pouvons formuler est notre satisfaction de constater que les programmes débutent par une mise en avant du développement des élèves. Ce concept est au cœur des critiques que nous adressons à l’institution dans sa vision « faible » de l’EPS. Celle qui a fait de « l’entretien » physique l’alpha et l’oméga disciplinaire.

Au SNEP-FSU, il nous a semblé que l’idée d’un développement optimal représentait, à la fois, une idée offensive dans notre orientation d’une EPS pour tous et toutes. Le texte du CSP retient l’idée d’un développement harmonieux. Si l’harmonieux renvoie à une sorte d’équilibre avec d’autres types d’apprentissages à l’École, nous ne pouvons qu’être d’accord. Par contre, il est possible d’y voir aussi un glissement vers une discipline exclusivement contributive à des finalités plus générales se cachant derrière le terme « favoriser ». L’EPS n’est pas une propédeutique à des savoirs plus nobles. Elle a sa raison d’être dans l’École publique au regard des enjeux sociaux auxquels elle répond dans son ensemble. 1

Les objectifs généraux : vers un changement de définition de l’eps

Les objectifs généraux reprennent, sur le fond, les cinq compétences générales présentes dans les actuels programmes collège. Nous y reviendrons dans des écrits ultérieurs. Ils font des AFL2 et 3 des objectifs généraux. Un glissement notable qu’il conviendra d’analyser.

Cette profusion noie la définition de l’EPS qui doit rester le cap de notre enseignement :

« L’EPS repose sur l’étude et l’appropriation des savoirs essentiels et spécifiques à chaque APSA, incluant sociabilité et valeurs potentielles. La discipline EPS vise pour chaque élève, un développement physique, psychique et social optimal, une connaissance de soi par et dans l’action. Elle permet une entrée instruite dans le monde des loisirs physiques, sportifs, artistiques. » 2

Les champs d’apprentissage, le cœur idéologique

Il est possible de percevoir les champs, déjà organisateurs de l’EPS dans les programmes lycées, comme une construction intellectuelle supérieure, existant en dehors des pratiques socialement instituées, ou bien comme une classification des APSA, donc de ces mêmes pratiques.

Dans les deux cas, de sérieux problèmes théoriques existent et empêchent, à long terme, de développer notre enseignement.

Courir et nager, c’est pareil…

Dans le premier cas de figure, il s’agit d’une sorte de « parlebassisme » de moindre niveau que la théorie originelle de Parlebas lui-même autour des domaines d’action 3. Si nous prenons les concepts qui sont au cœur des quatre champs, ils sont applicables à la quasi-totalité des pratiques sportives voire artistiques. Le cœur idéologique retenu ici se détache des techniques à construire qui sont les garantes des apprentissages. Il s’agit d’un cadre faible car il n’organise pas les enseignements déjà existants. Nous ne percevons ni le sens de ce cadre, ni son intérêt éducatif et encore moins culturel.

Citons un extrait du projet de texte : « Un champ d’apprentissage délimite un contexte de pratique physique correspondant à une façon d’être et d’agir spécifique. » Et bien non, ces champs ne délimitent rien du tout. Ils regroupent l’athlétisme et la natation p.ex. De ce point de vue, les champs ignorent voire nient la spécificité des pratiques.

Dans le deuxième cas de figure, la réécriture des programmes ne peut ignorer l’écriture précédente. Des choix d’orientation clairs doivent apparaitre, d’abord pour les professionnel·les de l’EPS puis pour les élèves et leurs parents. L’IG a décidé de maintenir la classification des APSA déjà existante dans les précédents programmes, malgré des critiques formulées et partagées par une masse critique des collègues.

La classification des APSA en huit groupements n’a rien de scientifique mais fait sens professionnel. Un des éléments centraux de ce sens est incarné par les techniques spécifiques utilisées dans les pratiques.

Ne soyons pas naïf·ves, les champs sont une création idéologique pour faire des APSA un moyen et non plus un objet d’étude. Plus loin nous lisons : « Ces champs prennent appui sur des activités physiques sportives et artistiques (APSA). »

Cette phrase est l’essentiel de la philosophie de ces programmes. Les APSA sont accessoires et servent des visées contenues dans les champs. Le champ, ici, précède les APSA.

L’organisation des enseignements en quatre champs est un point d’appui à l’affaiblissement de l’EPS. Le texte précise que les quatre champs doivent être programmés en 6e. Il est possible de programmer une course athlétique mais d’éliminer la natation. Toutes les équipes pédagogiques qui luttent pour obtenir une piscine ou des créneaux ont perdu un appui officiel à leur demande puisque courir et nager, c’est pareil.

Conclusion

Les conditions sont réunies aujourd’hui pour écrire des programmes d’EPS bénéficiant d’un large consensus social et politique, avec les cultures physiques sportives et artistiques au cœur des exigences des savoirs.

Les JOP 2024, l’état de santé publique avec une sédentarité très préoccupante chez les jeunes notamment, les inégalités sociales inquiétantes et injustes, ne sont que quelques éléments majeurs qui obligent le gouvernement à une autre ambition éducative en matière de sport et d’art.    

Notes :
  1. Nous avons déjà beaucoup écrit sur ce sujet. Nous ne développons pas ici.[]
  2. Programme SNEP-FSU : https://pedagogie.snepfsu.fr/2022/04/12/preambule-2022/[]
  3. Voir à ce sujet l’article de Delignère : https://didierdelignieresblog.wordpress.com/2025/08/19/les-nouveaux-programmes-deps-au-college-on-echappe-au-pire-mais-aussi-au-meilleur/[]