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Faut-il des barèmes mixtes en EPS ?

Par Mélanie PELTIER & Alexandre MAJEWSKI

La 6e soirée de l’EPS nous invitait à réfléchir autour de la question : Faut-il des barèmes mixtes ? La mixité fille / garçon a ainsi été questionnée et en particulier dans les activités de performance où elle pose le plus souvent des problèmes professionnels.

En partant du constat que la majorité des filles ont des performances plus faibles que les garçons, le monde du sport et de l’EPS a proposé des barèmes différenciés pour essayer de rétablir de l’égalité. On ne peut que déplorer que ce choix vient enregistrer une différence et renvoie aux filles l’image qu’elles sont nécessairement moins fortes que les garçons.

« L’institution, au prétexte de favoriser la réussite des filles au baccalauréat, entérine les barèmes différenciés, recommande de programmer des APSA avec des barèmes autoréférencés ou valorise les Attendus de Fin de Lycée (AFL) renvoyant aux dimensions méthodologique et social » nous dit Lucile Grès (professeure d’EPS dans l’académie de Limoges, membre du groupe Égalité à la Direction nationale du SNEP-FSU).

Les filles ont moins accès à la pratique sportive que les garçons…

Ces politiques compensatoires ne sont pas la solution, il s’agirait plutôt de favoriser la réussite des filles en leur donnant les moyens d’apprendre, d’acquérir de nouveaux savoirs et de développer de nouveaux pouvoirs moteurs. Les filles ont moins accès à la pratique sportive que les garçons au niveau extra-scolaire. Des différences se créent ainsi majoritairement par le niveau d’entraînement. Pour Nathalie Monnier (professeure en STAPS et membre du collectif « les didacticien·nes atterré·es »), « l’EPS dans l’école doit donc avoir pour ambition de sortir les élèves de leur déterminisme et de les émanciper par un accès à la culture et aux savoirs. Pour cela, les futur·es enseignant·es doivent avoir une formation dans les APSA de haut niveau ».


Les filles moins performantes en Course d’Orientation ?

Fabienne Gillonnier (Professeure en STAPS à Chambéry) a réalisé en 2009 une recherche action sur la question des filles et des garçons en courses d’orientation. Elle a étudié une population de 600 apprenant·es, de l’école primaire jusqu’aux étudiant·es STAPS. Elle fait le constat qu’il n’y a pas de différence significative du côté des capacités à s’orienter des apprenant·es. Forte de ce constat, elle a fait le choix de ne pas catégoriser les élèves / étudiant·es du point de vue de leur sexe et de ne pas les discriminer dans les modalités d’évaluation. Les situations d’apprentissage et d’évaluation s’ancrent sur la progression de tous les individus du groupe. L’évaluation n’est pas seulement certificative. Elle est expérimentée par les élèves tout au long du cycle afin de permettre aux apprenant·es de tester et de faire des erreurs pour s’ajuster.

Aurélia Wavelet (professeure d’EPS dans l’académie de Reims) a également travaillé avec des barèmes mixtes dans les activités athlétiques, et en particulier les courses avec des classes de CAP, de Bac Pro et des classes de troisième. Elle construit son barème et son épreuve évaluative en prenant appui sur des barèmes antérieurs présentés dans des textes officiels, sur les performances dans le monde fédéral ou sur les performances de leurs classes précédentes. Aurélia nous indique par ailleurs que « pour entrer dans ce type de démarche, il faut être prudent·e, essayer, prendre le temps et que ce n’est possible qu’à condition de réaliser des cycles d’apprentissage longs ».

Pour conclure, Lucile Grès nous rappelle que la bi-catégorisation au regard du sexe n’est pas plus justifiable qu’une bi-catégorisation au regard de la taille, des origines sociales ou de l’accès à des pratiques extra-scolaires des élèves. De la même façon, quelle prise en compte des élèves qui ne rentrent dans aucune case ? Comme par exemple, les élèves intersexes ou trans pour qui nous avons pourtant une obligation d’inclusion.

Revoir les méthodes d’entraînement

Les barèmes sont censés tenir compte des disparités physiologiques, mais, selon Aurélien Broussal-Derval, ils enferment surtout les éducateur·rices et les élèves dans une vision binaire et parfois obsolète de la performance. Il expose notamment l’attribution systématique de charges moindres aux filles dans les disciplines de force et de vitesse maximale. Il propose en conséquence par exemple sur les activités de course d’augmenter la charge de travail des filles qui sont plus capables que les garçons d’enchaîner course et récupération à une intensité plus importante. À lire son interview sur le site du SNEP-FSU.

Une première soirée qui invite la profession à réfléchir et travailler à ce qui pourrait sembler une évidence. Elle s’inscrit dans la volonté du SNEP-FSU de la construction d’un enseignement de l’EPS qui garantit une égalité sans condition 1 pour la réussite de tous et toutes.

Notes :
  1. Réjane Sénac, L’égalité sans condition (2019[]