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Les 4 champs, le cheval de Troie contre une EPS étude des APSA

Les nouveaux projets de programmes EPS viennent d’être publiés par le CSP. Même s’il est précisé en fin de texte qu’« ils n’engagent pas le ministère », la modalité de consultation et la méthode peuvent laisser à penser qu’ils pourraient être publiés en tant que tels. Cette publication, compte tenu du contexte, devrait être retardée, ce qui devrait nous permettre de peser pour d’autres orientations et ouvrir de réelles négociations.


Il n’échappera pas à celles et ceux qui se lanceront dans leur lecture que l’institution reprend comme cadre de pensée les cinq « compétences générales » de 2015, qui se nomment maintenant « objectifs généraux ».

Ces cinq « compétences générales » avaient été avancées pour répondre, au prix d’une correspondance terme à terme assez caricaturale, aux cinq « domaines » du socle commun. Comme l’explique Didier Delignières dans son article 1. Une même compétence générale pouvant tout à fait répondre à plusieurs domaines.

L’EPS maintient également sa classification en quatre champs d’apprentissage, au travers desquels les cinq objectifs généraux sont supposés être atteints.

« Un champ d’apprentissage délimite un contexte de pratique physique correspondant à une façon d’être et d’agir spécifique. L’élève y met son corps à l’épreuve en relation avec des intentions. »

Une EPS des domaines d’action

Il est assez facile de retrouver l’origine de cette définition et de comprendre qu’actuellement l’institution se réfère explicitement aux travaux de Pierre Parlebas. Étonnant de la part des rédacteurs de laisser entendre que « toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite. », ou que ce ne serait pas eux qui décideraient de reprendre ces textes du monde de l’EPS. Qui serait donc ce rédacteur mystérieux ? Pourtant, en lisant la définition des domaines d’action de Pierre Parlebas, il est assez facile de retrouver les filiations. Le cycle 3, quant à lui, a choisi clairement de se référer au concept de domaine :

« Un domaine d’action motrice est un champ dans lequel les pratiques corporelles sont regroupées selon des critères homogènes d’action motrice. Ces critères permettent de distinguer les types d’interactions (avec le milieu, les partenaires, les adversaires) et les formes de mobilisation du corps dans une situation donnée. » Pierre Parlebas.

Le dernier article de Didier Delignières sur les programmes est aussi très clair sur la filiation historique de la création de ces quatre champs, ainsi que sur les intentions politiques :

« Au début des années 90, les champs ont été créés pour contrer l’approche culturaliste défendue par le SNEP, en imposant une classification alternative, jugée plus “éducative”, basée sur le sens que l’élève était supposé donner à son action. Il ne faut cependant pas trop se leurrer sur la profondeur des débats de l’époque, qui étaient surtout dominés par des enjeux de pouvoir, syndicaux et politiques. »

D’autres auteurs ont visité cette structuration des savoirs de l’EPS et en arrivent aussi aux mêmes démonstrations. EPS et controverse(s) – Justifications d’une discipline scolaire, publié en 2023 chez L’Harmattan. Controverse sur la classification des Activités Physiques et Sportives dans les réformes nationales du collège en France.

La construction en quatre champs au collège, puis en cinq au lycée, n’a finalement pas d’autre objectif qu’une lutte de pouvoir et de définition de l’EPS, voulant tourner le dos à une EPS comme étude des pratiques des APSA, laissant en même temps la fonction de l’école comme lieu d’étude, de culture et de réduction des inégalités. Un compromis est-il possible ? Le ministère est-il disposé à engager de réelles négociations ?

Un compromis possible ?

Nous avons, en réunion avec l’inspection générale, proposé d’introduire les groupes d’APSA pour sous-catégoriser les champs et permettre d’avoir une écriture moins globalisante et plus professionnelle sur les objectifs d’apprentissage et les axes de progressivité. Pourtant, tous·tes les enseignant·es d’EPS savent bien que la natation et l’athlétisme ne peuvent pas avoir les mêmes attendus, sauf à écrire un niveau de généralité qui n’a aucune utilité professionnelle. Ne parlons pas des activités gymniques et artistiques, qui ont elles aussi des intentions pourtant bien différentes, ce qui vient donc invalider la définition de l’institution qui pourtant précise que :

« L’élève y met son corps à l’épreuve en relation avec des intentions. »

Comment ne pas sourire à un champ 4 qui globalise les affrontements collectifs et individuels ? Que l’on enseigne le basket, le tennis de table ou la boxe, une seule de ces activités pourrait suffire pour couvrir le champ.

En réduisant le niveau de prescription dans les attendus communs pour toute une classe d’âge, le projet participe à accentuer les inégalités. L’institution se retrouve finalement à défendre un projet d’école libérale qui, au nom de la liberté pédagogique ou d’une adaptation aux besoins des élèves, laisse chacun là où il est, avec les prédispositions que sa condition sociale et son appétence lui ont données.

De l’autre, le projet d’une école qui porte comme moteur l’émancipation par la culture. Une école qui pense que l’acquisition de la culture est le projet politique majeur pour réduire les inégalités et déconstruire les rapports de domination. Donner aux élèves les clés pour comprendre les fondements des dominations qu’ils subissent et leur permettre de disposer des savoirs et du jugement qui leur permettront d’exiger l’égalité et la justice sociale.

La culture commune au sens d’avoir un ensemble de vécu et de savoirs commun qui nous lient, nous font grandir en humanité pour reprendre la formule de Philippe Meirieu et Abdennour Bidar.

Le SNEP s’inscrit dans ce projet d’école et ne cesse de militer pour que les programmes soient plus précis dans les savoirs visés dans chaque APSA et défend la liberté de construction des moyens pour les atteindre.

Notes :
  1. Nouveaux programmes du collège : un peu d’analyse dépassionnée… : https://didierdelignieresblog.wordpress.com/2016/10/15/nouveaux-programmes-du-college-un-peu-danalyse-depassionnee/[]