L’EPS a cherché à justifier sa place au sein de l’École en définissant des finalités recherchant une utilité sociale, tout en minimisant ce que les élèves doivent apprendre en EPS… alors que c’est grâce aux apprentissages que l’on atteint ces finalités. Le SNEP-FSU organise une nouvelle initiative nationale pour déterminer à la fois les savoirs clés des APSA et des fiches d’évaluation Bac et DNB.
Les 40 ans de l’EPS au sein du MEN ont révélé que l’histoire s’est faite par une EPS du déjà là, lorsque les acteurs et actrices se sont emparé·es de leur métier et ont pris des initiatives. Nous avons aujourd’hui un défi à renouveler en prenant la main collectivement et nationalement sur les programmes et les évaluations Bac.
Un défi qui ne doit pas se laisser piloter par la peur d’une crise d’externalisation de l’EPS et construire des programmes qui justifient plus la place au sein de l’École qu’ils ne précisent ce qu’il y a à apprendre.
A agiter l’épouvantail de l’externalisation de l’EPS, de la menace du monde fédéral du sport qui pourrait rentrer au sein de l’École, nous allons finir par lui donner vie. Sauf à vouloir utiliser cet argument pour nous détacher des cultures sportives et épouser « des formes scolaires » censées mieux légitimer l’utilité sociale de l’EPS. Les programmes actuels révèlent la recherche de légitimité au sein de l’École par une justification des finalités au dépend d’un travail sur ce que les élèves doivent apprendre en EPS.
L’EPS n’aurait plus de savoirs spécifiques, elle deviendrait uniquement contributive à une éducation plus générale. Étrange pour une discipline qui pourtant porte déjà le mot éducatif dans son nom.
De plus, dans cette quête de légitimité par les finalités et par la recherche d’une utilité sociale, nous sommes devenus opaques pour les parents d’élèves et les observateurs externes de notre discipline.
Des programmes EPS orphelins de savoirs à apprendre
Nous sommes donc orphelins de savoirs à apprendre et d’un niveau visé commun d’évaluation. Plusieurs membres de l’inspection générale justifient cette absence de définition des savoirs en jouant avec l’idée d’une autonomie locale qui gommerait les inégalités. Ils utilisent l’idée d’une fonction publique conceptrice de son travail sans lui proposer un cadre ambitieux pour tou·tes les élèves.
A moins qu’en balayant tout cadrage national, l’institution espère que les pratiques qu’elle promeut deviennent la norme de ce qui doit être appris. Une EPS sans cadre national où l’exigence des savoirs est déterminée par les équipes, dépend des conditions matérielles, de la formation des enseignant·es, de la culture locale. Une mosaïque qui ne cherche ni unité ni culture commune ambitieuse pour l’ensemble des élèves français. Nous en avons eu une préfiguration pendant l’épidémie Covid, avec une individualisation des pratiques et une « EPS confinée » qui délaient les apprentissages collectifs des techniques sportives.
Dans le même temps la fausse liberté des protocoles d’évaluation au Bac met le vers dans le fruit en laissant croire que l’équilibre entre les entendus de fin de lycée (moteur, social et le savoir s’entrainer est le modèle d’une EPS raisonnée, de la réussite et de qualité. A l’inverse d’une EPS qui serait recroquevillée sur des apprentissages dépassés et organisés par un modèle sportif qui le serait tout autant. Notons au passage la liberté d’interprétation des enseignant·es qui, nommé·es par l’institution, contrôlent les protocoles et exigent des éléments qui ne sont pas dans le texte. Un même protocole accepté dans un lycée d’un département, est refusé dans un autre.
Nous devons bien observer ce qui se joue localement et analyser avec critique notre activité syndicale déployée pour contrer ce mouvement.
Nous avons simultanément joué la résistance au sens de la digue en envoyant courrier après courrier, en appelant à retenir les protocoles… en invitant les collègues à s’adapter en envoyant des protocoles pour entrer dans les cases et en aménageant les protocoles.
Nous sommes sommés de remplir des documents avec des normes langagières et d’écriture pour avoir le quitus d’une EPS de qualité. C’est le même jeu qu’il faut assumer pour avoir des subventions en utilisant les mots clés et les formes attendues. Certain·es se sont pris au jeu et finissent par croire que ce qu’ils/elles écrivent est la réalité. Un procédé que Roland Gori a nommé « la fabrique des imposteurs » au sens où les modes de fonctionnement conduisent à remplir des textes conformes à des exigences qui tendent à s’éloigner de la réalité.
Consultation démocratique des programmes ?
La concertation soi-disant démocratique de la construction des programmes a été truquée. L’institution a fait semblant d’écouter pour au final voter le point de vue inverse au conseil supérieur des programmes. Cette situation a poussé le SNEP-FSU a proposé des programmes alternatifs.
Des programmes qui ont remplis plusieurs fonctions :
- Politique pour exister et résister, montrer qu’un autre monde est possible
- Épistémique qui est celle de travailler en profondeur les savoirs de l’EPS et définir ce qui doit s’apprendre
- Mise en réseau en travaillant avec des collègues en interne à l’écriture de propositions alternatives
- Diffusion de ce qui doit s’apprendre dans les APSA en développant des journées de l’EPS articulées sur ces propositions
Nous avons du chemin à faire pour rendre plus visible les programmes du SNEP-FSU et trouver des formes concrètes de mise en œuvre par les équipes. Le dernier conseil national du SNEP-FSU, d’octobre 2021 a décidé d’un projet de publication et d’une initiative nationale :
Volet 1 : Publication des programmes
Après le congrès du SNEP-FSU de décembre nous publierons un supplément à notre bulletin avec l’ensemble des fiches et le préambule.
Nos journées de l’EPS devront en être la caisse de résonnance.
Volet 2 : publication des fiches Bac et DNB
Cette publication sera le résultat des 2 journées « programmes et évaluation » que nous organiserons les 17 et 18 mars prochains avec 150 personnes. Pour ce faire nous allons relancer les groupes d’APSA en organisant des réunions de travail pour élaborer-publier les fiches.