Home > Dossiers > Spécificité de l’EPS, le cas de la natation
Natation à l'école
Print Friendly, PDF & Email

Un enfant qui apprend à lire tout seul et qui apprend à lire à l’école fait-il la même activité ? Un enfant qui fabrique une maison avec des legos chez lui et un enfant qui fabrique une maison en classe fait-il la même activité ?

Un enfant qui apprend à faire du vélo à l’école et apprendre à faire du vélo au pied de l’immeuble, déploie-t-il la même activité ? Autrement dit, quelle est la spécificité de l’EPS par rapport à ce qui se fait en dehors de l’école ?

Pour répondre à cette question, je propose de développer le cas de la natation en m’attachant à deux aspects imbriqués : quelle est l’activité d’un élève qui apprend à nager à l’école et quel est le rôle de l’enseignant-e lors des séances de natation ?

La deuxième interrogation peut sembler bizarre… le rôle  de  l’enseignant-e  n’est-il  pas  d’enseigner ?! Cela ne semble pourtant pas aller de soi, en particulier en EPS et encore plus en natation, avec la présence d’un MNS.

Plutôt que d’énoncer ce que un-e professeur des écoles doit faire à la piscine, je vais tenter de montrer l’énorme différence entre une classe où l’enseignant-e a un rôle actif, et une autre où il ou elle se contenterait de venir à la piscine accompagner ses élèves.

Prenons un exemple banal : les élèves sont débutants, ils ont un parcours à faire dans l’eau avec différentes épreuves (mettre la tête dans l’eau, ramasser des objets, se déplacer en se tenant aux filins, etc). Chaque épreuve correspond à un savoir de natation (immersion, propulsion, équilibre).

Pour progresser sur ce parcours, un élève a besoin d’identifier les différentes épreuves. Si le parcours a été préparé en classe avant d’aller à la piscine, il est d’emblée dans l’action. Ce n’est pas seulement un gain de temps, c’est un « mise en condition pour apprendre ». Un élève doit savoir qu’il va à la piscine pour apprendre à nager (et non pour jouer, même si la situation doit être ludique), il doit y faire ce que certains appellent « son métier d’élève ».

Un élève doit savoir qu’il va à la piscine pour apprendre à nager (et non pour jouer, même si la situation doit être ludique), il doit y faire ce que certains appellent « son métier d’élève ».

Dans les premières séances, cela consiste à « savoir ce qu’il fait faire, comprendre le but du jeu » : repérer le sens du parcours, les différentes épreuves à réaliser, en respectant les règles de sécurité. Plus les enfants sont petits, plus il est nécessaire de faire dessiner le parcours, le schématiser de façon à ne pas répéter sans cesse les consignes, consignes qui sont bien difficiles à donner à la piscine. Ensuite, l’élève doit identifier les différents niveaux de difficulté à chaque endroit du parcours. Il y a toujours différentes réponses possibles : facile (je passe sous la ligne d’eau en mouillant ma bouche), moyen (avec ma tête complètement dans l’eau), difficile (ma tête longtemps sous l’eau en ouvrant les yeux). C’est une étape importante pour que les élèves perçoivent le sens du progrès. Celui-ci est évident pour l’enseignant-e, mais pas pour eux !.

Dans les séances suivantes, l’élève doit pouvoir se  situer,  s’évaluer :  « que  suis-je  capable  de faire ? ». Souvent les élèves ne savent pas s’évaluer, ils pensent toujours réussir alors qu’ils ne réussissent pas. Exemple : un enfant pense qu’il met toute sa tête sous l’eau pour passer sous la ligne d’eau alors qu’il la soulève et ne fait que mouiller sa bouche, un autre pense qu’il ouvre les yeux alors qu’il les ferme. Un autre pense qu’il n’arrivera jamais à aller sous l’eau parce qu’il ne sait pas comment descendre au fond. Une étape importante de l’apprentissage consiste à identifier ses problèmes et envisager de nouvelles solutions pour y arriver. Avec des élèves de CM, devenir être observateur fait partie de l’apprentissage. En apprenant à regarder les autres, l’élève peut aider ses camarades, mais il apprend en même temps à se poser des questions sur lui.

L’élève doit ensuite répondre à la question : « que dois-je apprendre à faire pour réussir à cette épreuve ? ». Chacun sait qu’à la piscine n’est pas un lieu propice pour réfléchir, il y a du bruit, on a vite froid, c’est donc dans la

classe avant ou après la séance que l’enseignant-e doit centrer les élèves sur les apprentissages à effectuer. C’est évidemment l’occasion de parler, d’argumenter, donc de développer des capacités langagières.

Pendant la séance, le rôle de l’enseignant-e consiste surtout à observer ses élèves ; cette observation est utile pendant la séance pour redonner ou modifier une consigne, encourager un élève, centrer les élèves sur un critère de réussite, mais elle est surtout utile pour après. L’enseignant-e doit pouvoir dire à un élève : « ah, oui, tu crois que tu réussis cela ? je ne t’ai pas vu le faire, il faudra me montrer… » et les aider à identifier mentalement les solutions avant qu’ils les essaient ensuite à la piscine. Evidemment, pour observer, il est nécessaire de savoir ce qu’il y a apprendre en natation ! L’enseignant-e peut solliciter l’aide du MNS pour identifier les problèmes des élèves.

L’ensemble de ce travail est typiquement un travail d’enseignant-e. A la piscine et plus généralement en EPS, les enseignants font ce qu’ils font dans toutes les disciplines : rendre l’élève acteur de ses apprentissages, dit-on. Bien sûr la piscine est un milieu particulier, des groupes sont nécessaires, certains élèves sont dans un autre groupe, le partenariat avec les MNS est obligatoire. Mais ce partenariat n’a de réel intérêt (au delà des règles de sécurité) que si l’enseignant-e joue son rôle d’enseignant-e et permet à ses élèves d’apprendre.

* je n’ai pas parlé volontairement des problèmes matériels, comme l’installation du parcours. Il me semble que les professeurs des écoles arrivent à la piscine dans un lieu qui « appartient » aux MNS et c’est à ceux- ci de régler les questions matérielles. Plus le partenariat est réel et à l’échelle de la circonscription (avec le conseiller pédagogique), plus l’organisation est facile.