Home > Niveaux d'enseignement > Collège > Le « choc des savoirs » ou le choc social ?

Le « choc des savoirs » ou le choc social ?

Print Friendly, PDF & Email

Le 5 décembre dernier, tous·tes les enseignant·es de France ont reçu la lettre de Gabriel Attal destinée à nous informer des mesures qu’il s’apprête à mettre en place. Ces mesures sont censées s’appuyer sur les résultats d’une consultation (qui a duré deux mois) et les apports des sciences1. Il s’avère que les réponses apportées et le recours aux sciences sont utilisées ici, pour justifier des choix politiques que rien ne justifie. La future réforme du collège est un bon exemple2.

S’il est bon qu’un ministre d’un pays démocratique salue et reconnaisse une profession qu’il a sous sa responsabilité ministérielle, il n’est jamais bon qu’il s’assoie sur certains fondamentaux démocratiques. La représentativité des salarié·es en est une. Pour commencer, disons-le, rien de ce que nous portons n’est repris dans les mesures annoncées pour la future réforme du collège. Pire, nous autres enseignant·es d’EPS et notre syndicat, sommes toujours parfaitement ignoré·es.

Nous sommes toujours dans le même projet de l’école néolibérale dans lequel la polyvalence des enseignant∙es demeure un des leviers de flexibilité

Si la gestion de l’hétérogénéité apparaît comme un réel souci pour la majorité de nos collègues, la réponse apportée par le ministre, à savoir la création des groupes de niveaux comme pivot de dérégulation des enseignements au collège, est une très mauvaise réponse au problème posé. D’après le ministre, la pédagogie différenciée serait efficace lorsqu’elle est associée à la flexibilité. Ainsi, il est prévu que des heures dans certains disciplines puissent être diminuées de façon temporaire au bénéfice du travail renforcé dans lesdits « fondamentaux ». Nous pouvons aisément imaginer quelles disciplines seraient les premières sacrifiées. Ainsi, la flexibilité dont le ministre nous vante les mérites nous parait très dangereuse pour élever le niveau de tous·tes les élèves.

Les leviers que nous portons face à l’hétérogénéité dans les apprentissages proposés sont la baisse significative des effectifs dans les classes et pour tous les enseignements (pas seulement en français et en mathématiques), la stabilité des groupes/classes et le temps nécessaire aux apprentissages. Donc, oui à une meilleure gestion structurelle de l’hétérogénéité des élèves, mais pour toutes les disciplines. Pour ce qui nous concerne, l’EPS et les savoirs propres qu’elle dispense ont besoin d’être renforcés.

Le DNB serait aussi toiletté. Face à l’ineptie de l’évaluation du socle commun, il est prévu d’augmenter légèrement la part des épreuves disciplinaires. Pas d’annonces pour notre revendication d’un retour de l’EPS dans le giron des épreuves. Au lieu d’aller jusqu’au bout de la condamnation de ce socle qui n’a rien de commun, le ministre le conforte en faisant mine de l’affaiblir sans aucunement trahir ce pourquoi il a été mis en place il y a presque vingt ans, la hiérarchie des disciplines en collège.

Enfin, une information corrobore ce que le SNEP-FSU a relevé dans son état des lieux de l’EPS (rentrée en septembre 2023). Il s’agit de la lecture des programmes ou plutôt de leur inutilité pour la majorité des enseignant·es. Or, encore une fois, au lieu d’ouvrir un chantier suffisamment long pour être sérieux, de chercher des réécritures des programmes pour toutes les disciplines, le ministre limite celles-ci aux seules disciplines dites « fondamentales ». Toujours pas de négociations en EPS.

Une possibilité a été envisagée à travers le questionnaire, que nous pourrions avoir trouvée anodine, car elle relèverait d’un langage un peu convenu et politiquement correct. Elle pourrait en réalité conduire vers une mesure politique bien concrète et très dangereuse pour la qualité des enseignements en collège. La fameuse culture générale pourrait devenir une discipline à part entière ! Nous sommes toujours dans le même projet de l’école néolibérale dans lequel la polyvalence des enseignant·es demeure un des leviers de flexibilité. Si nous croisons cela avec un tri des élèves renforcé à l’entrée en lycée, nous avons une remise en cause de l’école de la République comme promesse d’un ascenseur social pour tous et toutes.

Notes :
  1. Les travaux cités dans le dossier de presse ministériel concernent principalement le redoublement que nous ne discutons pas ici mais qui l’a été dans le « 4 pages » que le SNEP-FSU a publié ici []
  2. Nous complétons nos analyses par certains éléments contenus dans le dossier de presse ministériel du 5 décembre 2023[]