Par Bruno CREMONESI, Éric DONATE et Sébastien MOLENAT
Bien que disposant de l’ensemble des notes d’EPS aux examens,L’IG reste aveugle à la réalité de l’EPS : la part importante accordée à d’autres choses que la motricité spécifique aux APSA.
Le dernier rapport sur l’évaluation de l’EPS aux examens est paru. On nous promettait, en guise de « remerciements » de nos « bullshits jobs » consciencieux de retranscription du détail des AFL, la « vérité » sur la réalité des notes de l’EPS.
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’est pas déçu par le résultat !
Point de données brutes ici, telles celles fournies en toute transparence dans les rapports de la DEPP, mais une synthèse orientée pour tenter de justifier le bien-fondé des AFL et AFLP.
« Les évaluations des AFL2 et 3 ou des AFLP 3, 4, 5 ou 6 sont favorables aux candidats, filles comme garçons et quelle que soit la filière. Le caractère jugé parfois discriminant de cette évaluation pour les élèves considérés comme « moins scolaires » (et de manière caricaturale, associés à la voie professionnelle) n’est donc pas avéré »
Dans le genre syllogisme difficile de faire mieux !
Ce choix d’essayer de compenser les inégalités de sexe et sociale, entre en écho aux politiques éducatives compensatrices qui ont montré toutes leurs limites sur une action réelle sur les inégalités
Dans son introduction les rédacteur·rices de ce rapport soulignaient « avoir accès, pour la première fois, à des chiffres séparés pour le bac général et le bac technologique et donc de proposer des comparaisons entre ces bacs » or cette affirmation est totalement fausse, car jusqu’en 2015 cette distinction existait, le SNEP-FSU s’était ému de sa disparition. Nous nous réjouissons donc de son retour, mais il est « étrange » de constater que cette distinction disparaît des lors qu’il s’agit de comparer les « avantages » produit par les AFL 2 et 3 entre ces 2 bacs !
D’ailleurs, nul besoin d’un appareillage scientifique poussé, l’ensemble des enseignant·es d’EPS en lycée constatent avec leur groupe classe composé d’élèves issu·es des 2 bacs des écarts de notes importants. Ce rapport n’est pas sérieux !
Découvrons ce que ce rapport cherche à cacher ou autrement dit les caches du pot aux roses des AFL.
Cache Social
Pour preuve, avec les données accessibles dans ce rapport, les rédacteur·rices auraient pu pourtant mesurer des écarts discriminants. En effet, pour les bac pro la prise en compte d’AFL autres que ceux de la motricité entraine une augmentation de la note Bac pro de 13,58 à 14,05 soit + 0,47 pts alors que pour les bac généraux on passe de 14,03 à 15,24 soit + 1,21 ! L’écart social est donc avéré !
Cache Sexe
« C’est bien l’AFL1 qui discrimine le plus les élèves dans leur notation, à la fois selon les champs et selon les sexes ; l’écart garçons filles est réduit par la notation des AFL2 et 3 » (p 29)
Le rapport mentionne mais ne met pas en avant les chiffres, à nous donc de comparer les données. Chez les filles de bacs généraux l’écart de note entre une AFL 1 sur 20 et la note finale avec les AFL 2 ET 3 est de + 1,44, alors qu’il est seulement de + 0,59 chez les garçons.
Malgré cet écart la moyenne globale EPS plus élevée des garçons s’explique par une bien meilleure note en AFL1 que celle des filles. L’écart de note entre garçons et filles pour la partie motricité s’est accentué !
Cache Motricité
« Sur 6 ans, l’on peut remarquer : – l’augmentation d’1 point de la moyenne des garçons en BAC GT ; les filles présentant une augmentation de 0,77 pt. – L’augmentation d’1,3 point de la moyenne de garçons en BAC Pro ; et de 1,18 pour les filles » (p 13)
« Tous champs confondus, on observe une moyenne pour les AFL2 et 3 supérieure d’environ 2 points par rapport à l’AFL1 ». (p 28) (Rem : les notes ont toutes été ramenées sur 20 pour comparaison).
Les AFL entrainent donc une augmentation artificielle de la moyenne des notes au Bac en raison de 8 points accordés hors motricité. Ce choix d’essayer de compenser les inégalités de sexe et sociale, entre en écho aux politiques éducatives compensatrices qui ont montré toutes leurs limites sur une action réelle sur les inégalités. Si elles réduisent les écarts, elles n’agissent en aucun cas ni sur les causes et ni en profondeur les raisons structurelles de ces inégalités. Nous avions plus largement montré que la logique des AFL2 et 3 s’inscrivaient dans une logique de compensation des inégalités en EPS.
Sortons de cette cache sombre dans laquelle l’EPS est enfermée
En introduction, la commission renouvelle l’annonce d’un groupe de travail sur les AFL 2 et 3 afin de proposer des évolutions futures, mais depuis 2023 la livraison se fait attendre…
Alors soyons tous et toutes des Ulysse face à ces cyclopes aveugles et revenons à une EPS lumineuse, véritablement émancipatrice et égalitaire en se recentrant sur le développement de la motricité chez nos élèves et non en participant à une augmentation artificielle de notes qui au final ne veulent plus rien dire.