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L’EPS au Maroc – 70 élèves, un terrain et 3 ballons : la réussite de tous n’est pas facile…

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Kamili Houda est professeure agrégée d’EPS. Elle travaille au centre de formation pour les métiers d’éducation et de formation à Rabat et dans un lycée conventionné avec le ministère de l’Education nationale français. Petit tour d’horizon de son regard sur l’EPS au Maroc.

Comment se passe la formation des professeurs d’EPS ?

Depuis 2012, nous avons une nouvelle formule. Les candidats ayant le niveau Licence postulent, sur dossier, au centre de formation qui leur attribue un diplôme de qualification professionnelle. Ils passent un concours de recrutement pour devenir professeur d’EPS et être intégrés à la fonction publique. Depuis cette année un système parallèle a été créé pour les contractuels qui passent un concours spécifique et n’ont de formations que pendant les vacances.

Avant 2012, le niveau BAC+2 était requis pour enseigner l’EPS en collège. En lycée, il fallait, pour être titulaire, passer l’agrégation d’EPS. C’est ce que j’ai réalisé, après avoir eu mon diplôme de STAPS au niveau de l’ENS, j’ai passé quelques années en lycée et ensuite j’ai passé le concours de l’agrégation pour intégrer le cycle de préparation d’EPS. J’ai ensuite fait 2 ans de formation et j’ai repassé un nouveau concours national pour avoir le concours de l’agrégation. C’est une agrégation en partenariat avec la France qui s’est arrêtée en fin de 2012. Le ministre vient de créer une nouvelle agrégation avec de nouvelles conditions au sein des CRMEF. Nous attendons que vienne le tour de la mise en place pour l’EPS, pour le moment il n’y a plus d’agrégation pour notre discipline.

Quel est le nombre d’heures d’enseignement et le salaire moyen ?

En collège un enseignant d’EPS fait 24h/semaine. Dans ces 24h, il peut avoir un forfait de 6h pour l’association sportive. Les élèves peuvent en effet réaliser jusqu’à 6h à l’association sportive (3h le mercredi après-midi et 3h le vendredi après-midi).

En lycée, il fait 21h. Les élèves peuvent avoir 3h d’AS par semaine (vendredi après-midi).

Tous les enseignants n’ont pas la possibilité d’animer l’association sportive. Une commission du ministère attribue les heures en fonction du projet de cette association sportive et de ses résultats.

L’association sportive a surtout une vocation élitiste depuis 2012. Cela signifie que nous cherchons surtout à emmener les équipes au plus haut niveau possible. Cette recherche du haut niveau pour quelques-uns est entrée en concurrence avec l’idée d’un sport de masse. L’association sportive ne concerne donc qu’une minorité d’élèves.

Le salaire d’un enseignant débute à 4900dhs (450 euros/mois). Les enseignants font partie des classes moyennes basses au Maroc. Ils ont des difficultés de logement, le loyer à Rabat par exemple est autour de 500 euros. De nombreux enseignants vivent en périphérie et la majorité a une activité qui vient compléter le salaire.

Comment se passe l’EPS ?

Les élèves ont 2h/semaine. L’année est découpée en deux semestres.

Dans chaque semestre, l’équipe pédagogique de l’établissement va programmer plusieurs cycles (2 à 3) de 12 séances maximum. Pendant l’année scolaire les élèves vont pratiquer entre 4 et 6 activités.

Cette programmation va être réalisée en fonction des installations sportives, des spécialités des enseignants et de la diversité des APSA. En général, nous avons une alternance entre les activités individuelles et collectives.

Nous avons de nombreuses difficultés au niveau des infrastructures et du matériel. L’EPS se déroule presque toujours en plein air et les établissements ont des terrains très détériorés.

Les enseignants vont programmer essentiellement les activités traditionnelles : handball, foot, gym, les courses, les lancers… Nous avons la volonté et nous sommes formés pour faire vivre aux élèves d’autres activités mais pour le moment, les installations sportives nous empêchent d’explorer autre chose.

Quels sont les objectifs de l’EPS ?

Depuis 2007, nous avons eu une réforme du système scolaire marocain avec l’avènement de l’approche par compétence. Nous essayons de développer l’élève sur un plan physique. Nous sommes attachés à son développement d’un point de vue de la psychomotricité, de sa performance, de son niveau de pratique.

Dans notre orientation pédagogique de l’approche par compétences, nous cherchons à développer 3 types de connaissances : procédurales, conceptuelles (connaissances de base sur la physiologie, la biologie, un vocabulaire technique en relation avec les APSA), et comportementales (travail sur la personnalité de l’élève, son assiduité, son engagement, ses valeurs).

L’EPS essaie de contribuer à un projet d’école pour préparer l’élève à la vie en société et à affronter les défis de la mondialisation. Nous cherchons à former un citoyen avec des valeurs prêtes à relever les défis du monde de demain.

Quelles sont les principales difficultés ?

Je dirais sans hésiter les effectifs. Nous avons des classes qui vont de 40 à 70 élèves par classe avec 2 ou 3 ballons et un seul terrain. Dans ces conditions, il est très difficile de motiver tous les élèves.

Certaines activités ne sont pas très désirées par les élèves. Dans le monde rural, il est très difficile de programmer de la gym, ou la GRS, ce n’est pas très accepté par la société. Ces activités font appel à des mouvements du corps liés à l’esthétique, avec des positions qui sortent des normes acceptées par la société. Cependant, nous arrivons tout de même, tout doucement, à faire évoluer les choses positivement.

La majorité de nos élèves sont surtout motivés par les sports collectifs (foot, hand et de temps en temps le volley).

Le Maroc est très différent en fonction des régions. Par exemple, la mixité ne pose aucun problème dans les zones urbaines et est plus compliquée dans certaines zones rurales. Dans la mixité, le problème n’est pas simplement un problème d’acceptation sociale, elle pose aussi des difficultés dans la gestion de l’hétérogénéité technique des élèves. Les garçons ne veulent pas jouer avec les filles car ils pensent qu’elles sont trop faibles et réciproquement, les filles ne veulent pas jouer avec les garçons soulignant qu’elles n’ont jamais la balle.

Les enseignants d’EPS travaillent sur cette question. Ils sont très dévoués à leur métier et réalisent vraiment un travail extraordinaire. Ils sont capables de choses incroyables avec pourtant 70 élèves et un terrain.