Home > Dossiers > Réforme des rythmes : halte à la confusion ! Pour une EPS développée dans « plus et mieux d’école »

Réforme des rythmes : halte à la confusion ! Pour une EPS développée dans « plus et mieux d’école »

Rythmes scolaires

La nouvelle organisation du temps scolaire et la mise en place des activités périscolaires prévues par la « réforme des rythmes » impliquent tous les acteurs et partenaires de l’Ecole (Education nationale, collectivités, associations complémentaires de l’école, parents, sport scolaire, mouvement sportif …).

Le SNEP-FSU, qui regroupe les enseignants d’EPS des collèges ou lycées, les formateurs en ESPE, les conseillers pédagogiques départementaux, et les professeurs de sport, estime que la précipitation dans laquelle cette réforme s’est menée a empêché une réflexion approfondie sur ses fondements, ses objectifs, la notion même de complémentarité ou de continuité éducative,

l’encadrement, les partenariats… Le SNEP interroge cette réforme, qui annonce viser à la fois la réussite scolaire des élèves et la démocratisation de l’accès aux pratiques sportives, à partir de la question spécifique de l’éducation physique et sportive (EPS), du sport scolaire et des pratiques sportives péri et extra scolaires. Il invite tous les acteurs à entrer dans ce débat.

Plusieurs points sont inquiétants :

  • La réforme entérine la baisse du temps scolaire imposée par Darcos, les élèves auront toujours 24h de classe par semaine. La différence est qu’elles seront étalées sur 9 demi- journées, chaque journée étant raccourcie.
  • Les activités sportives prennent une large part dans les activités périscolaires proposées. Le risque d’une « déscolarisation » de l’EPS existe, mais celui d’une « scolarisation » du périscolaire, qui perdrait sa spécificité, est aussi à craindre.
  • Les locaux utilisés servent à la fois à l’EPS des premier et second degrés, au sport scolaire,  aux « ateliers rythmes », aux associations sportives ou offices municipaux et écoles de sports. Le temps dévolu aux activités périscolaires du primaire chevauche parfois le temps scolaire des collèges et lycées ou les créneaux d’associations et génèrent ipso facto des concurrences dont l’obligation scolaire pâtit.
  • Il faut ajouter à cela les inégalités territoriales, avec un coût important pour les collectivités et, bien souvent, la faible qualification des animateurs.

Interroger les fondements de la réforme

Les premiers constats mettent en évidence que l’opération « rythmes » ne va pas régler les problèmes de l’école. Pour s’attaquer réellement à l’échec scolaire, il faudrait prendre à bras le corps les questions de contenus et d’apprentissage. C’est d’abord une affaire de « plus et mieux d’école », de réflexion sur les programmes et de formation initiale et continue des enseignant-e-s. Cette réforme ne peut pas s’attaquer à l’échec scolaire

sauf à penser que des personnes moins qualifiées réussiront là les enseignants sont en difficulté, sauf à penser que ce qui va être facultatif peut remplacer l’obligatoire, sauf à penser que les moments qui doivent être consacrés à « l’étude » peuvent être remplacés par de la découverte culturelle. Cela ne veut pas dire que l’ouverture culturelle n’est pas importante, mais elle ne peut en aucun cas remplacer l’école.

En ce qui concerne l’EPS et les pratiques sportives, il y a trois lieux de pratiques bien distincts qui ont chacun leur spécificité : l’école, le périscolaire et les clubs. Chacun joue son rôle. L’école est le lieu de « l’étude obligatoire » (cette obligation est à la fois sa spécificité et sa difficulté), les clubs sont des lieux de pratique volontaire, d’approfondissement ou d’excellence, à partir d’un choix, le temps périscolaire est un temps d’ouverture culturelle au sens large, de ré-création. L’une dépend de l’Etat, l’autre des fédérations et associations sportives, le troisième des collectivités territoriales. Ces lieux doivent-ils rechercher complémentarité, cohérence, continuité éducative entre eux ? En terme de valeurs, sans aucun doute, chaque lieu de pratique doit viser l’émancipation, adopter des démarches qui rendent l’enfant ou l’élève de plus en plus cultivé, de plus en plus autonome et responsable de ses choix et de ses actes, mais pourquoi chercher à organiser une complémentarité entre ces différents lieux avant même de s’attacher à ce que chacun soit le plus efficient possible dans le rôle qu’il doit jouer? L’école doit mieux prendre en compte les savoirs fondamentaux, dont l’éducation physique fait partie, la démocratisation des loisirs actifs doit permettre à plus d’enfants et de jeunes d’accéder à des activités culturelles variées, et les clubs doivent avoir les moyens d’encadrer plus de jeunes qui veulent se perfectionner. Comment croire que cela peut se faire en ne revenant pas sur la réduction du temps de l’école ou en entretenant la confusion entre ces différents lieux ? Comment améliorer une démocratisation des pratiques sportives sans une politique de rattrapage en matière d’équipements et de formation d’éducateurs sportifs ?

L’école doit mieux prendre en compte les savoirs fondamentaux, dont l’éducation physique fait partie, la démocratisation des loisirs actifs doit permettre à plus d’enfants et de jeunes d’accéder à des activités culturelles variées, et les clubs doivent avoir les moyens d’encadrer plus de jeunes qui veulent se perfectionner.

Derrière ces mots quasiment « magiques » – complémentarité, cohérence, continuité – se joue autre chose. Il est nécessaire de rappeler que depuis les années 70, la quasi-totalité des gouvernements ont cherché à modifier les contenus et les missions de l’Ecole au nom des « rythmes » : la Loi Mazeaud en 1975 proposait que l’EPS soit encadrée par des animateurs dans des centres d’animation sportives, l’aménagement du temps de l’enfant de Calmat-Chevènement en 1985 propose des activités encadrées par des animateurs sur le temps scolaire; suivront les contrats bleus de Bergelin, la circulaire Bambuck, l’opération Guy Drut. La Charte du XXIè siècle d’Allègre va plus loin en proposant que l’enseignant du primaire coordonne un ensemble d’intervenants extérieurs. En 2012, Darcos diminue le temps scolaire et Chatel rebondit avec ses Cours le matin, sport l’après midi. Dans le même temps, les différents gouvernements n’ont eu de cesse d’affaiblir le sport scolaire (USEP, UNSS) qui compte pourtant 1,8 millions d’élèves. Tous ces dispositifs ont abouti au même résultat : ils ont installé puis conforté des partenariats ambigus, sans par ailleurs jamais augmenter l’horaire d’EPS de l’école primaire qui est passé de 5h officiel à 3h, (et 2h réelles aujourd’hui).

Précisons qu’aucun gouvernement, parmi ceux qui ont prôné la complémentarité entre le scolaire et le périscolaire, n’a jamais envisagé de proposer un forfait USEP aux enseignants du primaire, comme cela existe dans le second degré. Aucun n’a envisagé un forfait culturel Arts, théâtre, informatique, astronomie ou autre pour les enseignants volontaires.

La « réforme des rythmes » de 2013 joue une partition nouvelle. Elle entérine la diminution du temps scolaire alors qu’il aurait fallu travailler à « plus et mieux d’école ». Elle reprend les thèmes communs à toutes les réformes précédentes (chronobiologie, complémentarité, ouverture..) et elle institue, avec les PEDT, la confusion. Le périscolaire se soude au temps scolaire et est censé « compléter », ce que l’école ne fait pas.

Le risque est aujourd’hui très grand de transformer en profondeur – et rapidement – les missions historiques de l’Ecole, pilotée par l’Etat, et l’amputer de tout une partie des enseignements qui jusqu’à présent font partie de ses missions (EPS, arts, technologie). En corollaire, cette dernière réforme transforme également le temps périscolaire qui se « scolarise » et risque de perdre sa vocation première de loisirs.

La réforme est censée s’appliquer à la rentrée 2014 dans les conditions définies par V.Peillon. Le SNEP propose des outils d’analyse dossier rythmes 2014 appelle à débattre de solutions alternatives qui s’attaquent réellement à lutter contre l’échec scolaire d’une part et à l’émergence et au développement d’une politique éducative locale la plus riche possible d’autre part, avec bien entendu une égalité sur le territoire.