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EPS et sport : quelle est la spécificité de l’école ?

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Article publié dans un dossier « rythmes scolaires » de la « Lettre du réseau école » du PCF de novembre 2013. Le SNEP- FSU était invité à répondre aux questions : quelle sont les différences entre EPS et sport ? autrement dit : quelle est la spécificité de l’école ?

Avec la réforme dite des rythmes, qui est en fait une réforme du périscolaire, pointe le risque de déscolarisation de l’EPS. Tout d’abord, il faut rappeler que l’EPS est toujours bien inscrite dans les programmes scolaires et que le gouvernement n’a remis pas cela en cause,

heureusement ! Il s’agit donc seulement d’un risque et si les enseignants continuent de considérer l’EPS comme une discipline d’enseignement (aujourd’hui l’EPS est la 3è discipline, en terme horaire, avec 2h15 en moyenne par semaine), ce risque peut être contrecarré.

Certains pensent que l’EPS est menacée comme discipline scolaire parce qu’elle fait référence au sport dans ses contenus et que, de surcroit, beaucoup de municipalités apportent une aide extérieure sur une partie des horaires obligatoire. C’est vrai que pour les enfants et adolescents, et parfois les parents, sport et éducation physique et sportive se confondent. Les élèves disent « on va faire du sport » quand ils vont en EPS. Et ils ont raison… puisqu’ils en font ! Parfois, ils font les  mêmes activités dans l’école et après l’école ! Confondent-ils pour autant l’EPS et le sport en dehors de l’école ? Quelle est la spécificité de l’EPS par rapport au  sport  en  club  ou  au  centre  d’animation ou même à « l’école » de sport ?

La réponse est simple : la spécificité, c’est l’Ecole ! Et la spécificité de l’école, c’est que c’est OBLIGATOIRE pour tous et toutes (on n’y est pas volontaire) et qu’on y va pour APPRENDRE des savoirs identifiés, inscrits dans des programmes, que les élèves doivent tous s’approprier, au sein d’un groupe classe. Donc, pour l’EPS, comme pour toutes les autres disciplines, l’école, c’est l’obligation d’apprendre ensemble des savoirs imposés. Et cela change tout !

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le sport , qu’on soit grande ou petit, costaud, pataud ou maigrelette… l’EPS est obligatoire, quel que soit son milieu, son sexe, son lieu d’habitation. L’EPS, c’est l’obligation de faire des efforts dans des activités qui ne nous plaisent pas d’emblée, avec des gens qu’on n’a pas choisis. Par exemple, sans l’école, l’immense majorité des garçons ne feraient jamais de danse et l’immense majorité des filles ne feraient jamais de sports collectifs, et encore moins ensemble puisque la majorité des pratiques sportives ne sont pas mixtes. A l’école, il ne faut pas seulement « faire » ensemble mais « apprendre ensemble », ce qui signifie faire un effort particulier qui souvent nous déstabilise, parce que l’erreur est inhérente à l’activité, et se joue devant d’autres qui, peut-être, savent déjà. En EPS, l’enseignant-e « oblige » l’élève, de la maternelle jusqu’au lycée, à réfléchir, à se poser des questions, à formuler des hypothèses sur ce qu’il doit faire ou ne pas faire, à discuter des règles, à argumenter, à s’auto-évaluer… Tout cela peut se faire dans le plaisir bien sûr, peut procurer de la joie comme disait G.Snyders , c’est même un enjeu, mais, à partir de ces quelques éléments, interrogez les enfants : vous verrez que peu d’entre eux confondent l’EPS obligatoire et le sport en dehors de l’école !

Du côté des enseignant-e-s, l’obligation d’apprendre ensemble des savoirs imposés se traduit par des contraintes qui n’ont rien à voir avec celles d’un animateur (qui en a d’autres). Un enseignant n’a pas à se poser la question de savoir si un enfant reviendra la séance d’après ou pas (un animateur oui), mais il est obligé de se poser la question de la réussite de chacun-e , et donc de la question du sens des apprentissages pour les élèves, dont certains viennent à reculons. Impossible de dire à une fille qu’elle peut rester assise sur le banc si le jeu ne lui plait pas. Impossible de laisser un garçon refuser de jouer avec une fille parce que c’est une fille. Impossible de proposer un jeu basé sur un système d’élimination, où les plus faibles joueront beaucoup moins que les plus débrouillé-e-s. Impossible de laisser un  élève  répéter  un  exercice  sans  réfléchir  à  ce  qu’il  fait.  L’objectif  de  100%  de réussite impose de traiter les activités physiques et sportives spécifiquement pour l’école pour proposer des contenus accessibles à tous et toutes, ainsi que des démarches qui rendent les élèves le plus possible conscients de leurs apprentissages.

L’objectif  de  100%  de réussite impose de traiter les activités physiques et sportives spécifiquement pour l’école pour proposer des contenus accessibles à tous et toutes, ainsi que des démarches qui rendent les élèves le plus possible conscients de leurs apprentissages.

Tout ceci avec une contrainte spécifique terrible : celle du temps d’apprentissage très limité. Le temps scolaire n’a rien à voir avec le temps hors-école. En EPS, en primaire, les programmes conseillent 10 à 12 séances pour une même activité, c’est le temps minimum nécessaire pour stabiliser des apprentissages. En dehors de l’école, soit on est sur des temps plus court (animation), soit sur des temps beaucoup plus longs (club). On ne peut donc pas faire la même chose (ou alors l’école serait toujours condamnée à « faire moins bien » qu’après l’école !). Ce temps contraint impose de faire des choix, de donner des priorités. C’est le rôle des programmes sélectionner parmi tous les savoirs et pratiques existant dans la société, ceux qui « méritent » d’être enseignées à tous et toutes.

Ces programmes donnent des repères (pas toujours bien clairs actuellement, et c’est un problème) sur ce qu’un élève doit savoir faire en fin de scolarité. Ils font aussi le choix d’activités qui semblent prioritaires selon l’âge et/ou plus « scolaires » que d’autres. Il y a en effet des activités physiques, sportives et artistiques, qui correspondent mieux aux contraintes de l’école (25 élèves par classe, des élèves pas encore autonomes, des installations minimales, des déplacements difficiles, un temps d’habillage/déshabillage long etc.). Il y a également des activités plus adaptées suivant l’âge des enfants et leurs possibilités motrices, cognitives, relationnelles…et, paramètre souvent oublié, il y a des activités plus faisables que d’autres par des enseignant-e-s polyvalent-e-s.

Les programmes actuels sont à améliorer, pour mieux aider les enseignant-e-s en donnant des repères précis sur ce que les élèves doivent apprendre et donner des repères sur les expériences que les enfants devront avoir obligatoirement vécues en fin de scolarité. Par exemple, en primaire, la danse n’est pas enseignée partout alors que les enfants de cet âge sont encore peu dépendants des stéréotypes sexués. Le jonglage ou la GRS devraient être obligatoires pour qu’aucun enfant ne sorte de l’école en étant encore maladroit. Les jeux traditionnels devraient être réhabilités – et traités pour ne pas éliminer les plus faibles – parce qu’ils sont plus facilement gérables en classe entière que les sports collectifs, et tout autant intéressant sur le plan des stratégies collectives, etc.

La formation devrait avoir pour but d’aider les enseignant-e-s à comprendre le fondement de ces choix, donner des outils pour que tous les élèves « entrent » dans l’activité, définir la quantité de pratique minimum, les étapes pour y arriver, les situations porteuses de transformations, ce sur quoi doit porter l’activité réflexive, etc.

Pour que l’école assure sa mission, il y a d’autres conditions à réunir, notamment celles des installations sportives qui font défaut dans nombre d’endroits aujourd’hui, mais aussi celle d’un enseignant-ressources par école pour impulser une dynamique d’équipe, des échanges de service, des rencontres sportives avec l’USEP, etc.

Pour conclure, l’EPS est une discipline scolaire depuis que l’école existe (dès l’antiquité la formation physique fait partie des disciplines fondamentales). Aujourd’hui encore, elle est enseignée pour tous et toutes de la maternelle à la terminale, et également obligatoire dans certaines universités et grandes écoles (l’élite sait ce qui bon pour ses enfants !). Elle est cependant confrontée à des problèmes récurrents. Elle a été fragilisée par le « socle commun » qui n’accorde à la formation physique sportive et artistique qu’une seule compétence, le « savoir nager ». Depuis 40 ans, de nombreux gouvernements ont tenté de la rendre optionnelle et/ou de la « déscolariser », pour économiser des enseignants et les remplacer par des animateurs sportifs moins qualifiés, moins rémunérés, moins protégés statutairement. Dans le secondaire, ces tentatives ont échoué grâce à la présence des professeurs d’EPS et d’un syndicat spécifique le SNEP-FSU. Dans l’école primaire, l’actuelle réforme du périscolaire, faute d’investir dans un changement en profondeur des contenus scolaires, institutionnalise la confusion entre l’école et le hors-école. Elle peut renforcer la hiérarchie des disciplines scolaires et inciter les enseignant-e-s à centrer encore plus qu’aujourd’hui sur les disciplines dites fondamentales. L’éducation globale serait alors amputée de tout ce qui a trait aux apprentissages « par corps ». Cela renforcerait les inégalités sociales, sexuées et territoriales. A contraire, il faut créer un rapport de forces pour « plus et mieux d’école » et donc « plus et mieux » d’EPS, d’Arts, de techno… pour une éducation complète de tous les enfants. Le SNEP-FSU entend y contribuer.