La mise en relation programmes, DNB, réforme des collèges nous révèlent la faiblesse de la politique éducative du gouvernement. Vendre du plomb pour de l’or est devenu une seconde nature. L’EPS, donc les élèves, en font les frais.
Comment réussir l’exploit de transformer ce qui pourrait être un plus, en moins ? Pour ça il faut des experts. Le ministère en regorge. Parce que, incontestablement l’interdisciplinarité pourrait être un plus si… elle venait effectivement en plus. Sans faire de linguistique, il paraît évident que dans interdisciplinarité, il y a «disciplinarité». Le mot et les pratiques qu’il recouvre reposent sur cette évidence. Or la réforme du collège prétend nous pousser vers l’interdisciplinarité, au moment même où les programmes ont vidé l’EPS de sa substance et qu’elle est frappée d’invisibilité au DNB, sommée de ne s’occuper que du socle. Il est troublant de constater que tous ceux qui l’an dernier prétendaient défendre l’EPS en fustigeant des programmes trop généraux, pas suffisamment exigeants (certains disaient pas assez «contraignants») sur les compétences attendues, ne disent aujourd’hui plus rien sur ce sujet et exhortent les foules à s’investir massivement dans une interdisciplinarité vide de disciplinarité. Que pensez-vous qu’il va se passer lorsque nous allons travailler avec des disciplines qui, elles, auront des programmes solides, ce qui est encore le cas de presque toutes ? Nous allons devenir les assistants d’éducation des savoirs jugés, eux, importants. Et que pensez-vous qu’il va se passer lorsque Bercy fera le bilan comptable du coût de la discipline pour n’être qu’au service des autres ? A quoi bon maintenir une «discipline» ? Que pensez-vous qu’il va se passer lorsque les élèves, les parents, la société tout entière s’apercevra que la « sportivité » tant vantée par ailleurs fera défaut aux jeunes scolarisés ? On filera le bébé au mouvement sportif, en optionnel, on diminuera les horaires obligatoires pour faire juste un peu « d’intelligence motrice ». Ne cherchez pas trop loin et regardez les pays autour de nous : c’est ce qui s’est passé. Non, lutter raisonnablement pour l’émancipation de tous et toutes aurait dû se penser en renforçant d’abord l’accès aux savoirs et compétences originaux, constitutifs d’une culture commune dont l’objectif est de rassembler, qui donnent les outils pour agir et comprendre. Les mettre à l’épreuve dans un contexte interdisciplinaire aurait alors pris un tout autre sens. Et donner aux enseignants les moyens de faire correctement ce travail aurait été une petite révolution. Si le gouvernement et ses soutiens voulaient vraiment l’émancipation de toute notre jeunesse, ça se saurait, et ils mettraient les moyens pour la réussir. Il préfère dépenser 24 millions d’euros pour faire de la communication. Emanciper tout le monde (pff !)… trop dangereux !