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Toutes les enquêtes et rapports constatent que les horaires d’EPS prévus par les programmes scolaires (officiellement 3 h par semaine) ne sont pas assurés en totalité. Qu’en est-il vraiment et comment mieux analyser le problème pour le résoudre ?
Nous manquons de données fiables
Pendant longtemps, le ministère a fait des enquêtes, ce qui nous donnait des renseignements fiables. En fait, la dernière enquête ministérielle date de 2004. Elle annonçait 2h12 d’EPS par semaine, avec des très grandes disparités : 36% moins de 2h, 8% plus de 3h. Depuis cette date de nombreux rapports sont succédé en se référant à cette enquête. Le rapport sur la réforme des rythmes (2015) annonçait 1h58, sans expliciter sa méthode d’enquête, et en 2019, la Cour des Comptes annonçait 1h30 par semaine « selon le ministère » …sans aucune autre indication sur ses sources ! On peut évidemment s’inquiéter devant de tels chiffres. Mais en réalité, personne ne peut dire ce qu’il en est vraiment ! Voir Les horaires EPS, tentative d’état des lieux
Le rapport Loarer (Inspection générale, 2012) disait ceci: « Dans chaque département, une enquête sur ce thème des volumes horaires, croisant discours et pratiques effectives, devrait donc constituer une priorité qui permettrait de poser un diagnostic fiable. ». Cette demande explicite n’a jamais été suivie d’effet. Ce qui n’empêche nos décideurs d’affirmer des chiffres, dont les sources restent inconnues.
Assurer les 3 heures d’EPS officielles dans le temps scolaire actuel (24h) n’a rien d’évident !
Le temps scolaire n’a cessé de diminuer (passage de 27h à 24h en 2002), alors les exigences envers l’école primaire n’ont pas cessé d’augmenter (numérique, langue vivante, éducation à la santé, au développement durable, etc…) et les injonctions ministérielles de se multiplier : 15 mn de calcul mental par jour, 2h de lecture/écriture par jour, 30 de bouger par jour…
Dans les 24h d’école, il faut de plus déduire le temps de récréation réparti sur toutes les matières scolaires. Ce qui fait un horaire d’EPS réel de 2h45 en élémentaire et 2h30 en maternelle.
Pour finir, les programmes – qui sont conçus en additionnant tous les horaires (10 h de français + 5 h de maths + 3h. d’EPS + 2h d’arts, etc…) ne prennent pas en compte les « temps de transition » estimés à 16% du temps scolaire, et incompressibles.
Les temps de transition (appelés temps « proto-didactiques » par les chercheurs) représentent près de 16% du temps en classe de CP (probablement plus en classe de CM), sans que jamais les programmes n’en tiennent compte !Ils sont pourtant incompressibles (apprendre à faire son cartable, à tenir son cahier, régler un conflit après la récréation, réguler une relation avec les familles, etc…).
Schéma extrait de l’article de A.Blanchouin : Dynamique d’une journée de classe au CP
Conséquences :
- Le français et les maths représentent 62% du temps scolaire officiellement, 64% en réalité tellement la pression sur les fondamentaux est forte. Il ne reste alors que 20% pour toutes les autres disciplines 1. L’horaire officiel ne peut pas être respecter. Pour l’EPS, l’horaire possible réel est donc de 2h17 2 !
- Notons que dans ces 20%, l’EPS n’est pas la plus mal placée par rapport aux autres disciplines dites « périphériques ». Elle est assurée régulièrement malgré toutes les contraintes (équipements, déplacements), mais bien sûr pas à la hauteur de l’horaire officiel.
- En maternelle, les horaires sont respectés (une séance par jour), mais qu’en sera-t-il avec la pression sur le lire-écrire-compter augmente 3 ?
- Notons ici que lorsqu’il y a des intervenants extérieurs, l’horaire EPS n’est pas plus important.
Les écoles « vitaminées en EPS »
Les écoles, que nous appelons « écoles vitaminées en EPS 4 » réussissent à s’approcher des 3h officielles, enseignées par les PE. Ces écoles font 2 à 3 séances par semaine (environ 2h15 par semaine au total) , avec en plus des rencontres ou événements sportifs qui permettent d’augmenter le temps d’EPS. Ces écoles sont très diverses, mais ont plusieurs points communs. Nous n’en développons ici que quelques un :
- Elles ont toutes des équipements très proches de l’école. Les professeurs de ces écoles expliquent que dès qu’il y a des déplacements, la séance d’EPS « saute »… parce que ça ne rentre plus dans l’emploi du temps.
- Elles affirment que 2 à 3 séances par semaine est le maximum qu’elles peuvent faire, et qu’il faut une très bonne organisation et un vrai travail d’équipe pour ne pas perdre de temps. Beaucoup de ces écoles ont un ou une enseignante référente EPS qui coordonne l’équipe.
- Lorsqu’elles atteignent les 3 heures, c’est grâce à des rencontres sportives sur le temps scolaires et/ou des sorties en plein air (orientation, ski, vélo…), des stages natation, ou des évènements (spectacle de danse,..)
Interrogations
– Peut-on reprocher aux enseignant.es de ne pas faire leur 3h d’EPS…quand l’horaire réel possible est de 2h17 ?
– Demander aux enseignants de « bouger 30 mn » par jour en plus de l’EPS est-il pertinent dans ce contexte ? Non, c’est tout simplement irréalisable ! Le risque est même que l’EPS se limite à « bouger 4 x 30mn», ce qui serait une grande régression. Voir Bouger c’est bien, apprendre en EPS c’est mieux !
– En faisant 3h d’EPS, les écoles vitaminées « dépassent » l’horaire potentiel de 2h17. Font-elles des choix au détriment d’autres enseignements ? Leurs élèves lisent-ils moins bien, comptent-ils moins bien que les autres ? ! Sans doute que les enseignant.es concerné.es s’en apercevraient …ainsi que les parents qui semblent au contraire plutôt satisfaits du choix de ces écoles « vitaminées à l’EPS »? !
Urgence : que toutes les écoles élémentaires fassent au moins 2 à 3 séances par semaine (2h15 effectives)
Pour cela, nous faisons des propositions concrètes. En priorité : doter toutes les écoles d’équipements proches, former les enseignant.es, expérimenter un ou une enseignante « référente EPS » dans certaines écoles, et développer les rencontres sportives sur le temps scolaire avec les CPC et l’USEP. (voir l’ensemble de nos propositions).
A plus long terme : des débats sur le temps scolaire global et les programmes du primaire
Si on veut que l’Ecole joue vraiment son rôle à la fois en termes de santé et d’accès à la culture sportive, il faut privilégier de véritables séances d’EPS en lieu et place du seul objectif de séance pour « bouger ». Mettre la pression uniquement sur lire/écrire/compter/respecter autrui, coupés des savoirs culturels, est une impasse.
Ces réflexions supposent de mettre en débat des sujets qui concernent tous les acteurs et actrices : l’augmentation du temps scolaire (on en peut continuer à demander plus à l’Ecole tout en diminuant le temps scolaire), la nécessité de repenser les programmes scolaires du primaire dans leur ensemble, de casser la hiérarchie entre les disciplines, et d’aller bien au-delà du lire, écrire, compter, respecter autrui du ministre actuel. L’enjeu est bien de former des citoyens et citoyennes éclairé.es et physiquement éduqué.es.
- 22% alors qu’elles représentent officiellement 37,5%.[↩]
- 3 heures officielles moins les récréations (15mn) = 2h45 et moins 16% de temps de transition (28mn) = 2h17.[↩]
- Dans les programmes 2021, l’insistance sur le langage oral pendant la séance d’EPS n’est pas de nature à augmenter le temps d’activité physique, déjà trop faible.[↩]
- Etude en cours, à l’initiative du SNEP-FSU et du SNuipp-FSU, en collaboration avec deux chercheurs[↩]