Une discipline scolaire repose sur un certain nombre de fondamentaux. À ce stade de l’histoire de notre système éducatif, une discipline, pour se scolariser, doit respecter une certaine orthodoxie. Sans aller dans l’exhaustivité, il s’agit de cerner ce qui s’apprend en EPS à travers les enseignements dispensés, et la façon dont ce qui est censé être appris est évalué, notamment dans le cadre certificatif. Nous nous centrerons ici sur les apprentissages.
Une séance d’EPS dans le second degré repose sur un trépied : une classe, un·e professeur·e, une APSA. Des projets d’EPS révèlent des entrées et des centres de gravité différents, des priorités variant selon les contextes sociaux-éducatifs, des sensibilités professionnelles, des valeurs et des conceptions philosophiques des enseignant·es. Mais, en fin de compte, sans aucunement minimiser cette extraordinaire diversité et richesse de notre profession, les élèves ont bel et bien à se développer à travers l’apprentissage spécifique d’une APSA à chaque nouveau cycle d’enseignement. Nous défendons ici l’idée qu’il est impossible de progresser dans une APSA1 sans appréhender la technique et se transformer à travers elle. Sans développer plus avant cette approche sur la technique en EPS, nous abordons toutefois une dimension qui nous semble indispensable.
Ainsi, il n’y a pas d’apprentissage technique sans volonté de rendre l’élève plus efficace et efficient·e dans une pratique. Une discipline scolaire qui ne cible pas clairement les transformations qu’elle vise pour la formation des jeunes est en difficulté quant à sa place et son rôle effectif dans le système éducatif. L’EPS sans les transformations « motrices » des élèves est en danger. Une EPS qui repose sur le moteur sans que ce dernier fasse un tout cohérent au sein d’un cadre culturel relève d’un flou conceptuel en termes de finalité sociale. P.ex., vouloir former des citoyen·nes à l’appui de certaines valeurs, en dehors des pratiques sportives ou artistiques, est abstrait. La citoyenneté n’a de sens que pratiquement vécue dans la vie de la cité. La culture sportive en fait partie.
Notre discipline a besoin de sortir du formalisme scolaire dans lequel la maintient le ministère via les programmes creux, car niant les lignes culturelles donnant un certain sens à sa structuration. Nous accueillons avec force les propos de Carole Sève, doyenne de l’Inspection générale de l’EPS, pour qui « en EPS, on ne peut ignorer l’apprentissage technique »2.
Les techniques sportives, qui constituent les savoirs spécifiques issus des APSA, sont les premières victimes de ce formalisme scolaire. Nous n’ignorons pas ici les axes différents existant dans la conception et les travaux scientifiques relatifs à la technique, notamment ceux tournés vers la technique conçue et étudiée « en référence à l’activité des pratiquants »3. Ce que nous rejetons c’est l’abandon de l’un des deux aspects. L’histoire des APSA et les formalisations techniques qui naissent et évoluent doivent nourrir les pédagogies et les didactiques des différentes APSA, en même temps que l’activité propre des élèves en action leur permet de (ré)inventer les techniques efficaces, ayant du sens pour elles et eux.
Une EPS qui repose sur le moteur sans que ce dernier fasse un tout cohérent au sein d’un cadre culturel relève d’un flou conceptuel en termes de finalité sociale.
Les programmes collège de 2008 ont entamé ce glissement. Depuis, l’institution s’y enferme malgré quelques acteur·trices qui résistent. Les promoteurs du vague culturel, sans les transformations techniques authentiques rythmant les enseignements, ont usé de prétextes pour faire des mauvais textes ! L’un de ceux-ci a été la lisibilité des programmes par le grand public. Comme si la formation des pilotes de ligne ou des médecins se donnait comme priorité la compréhension du grand public pour écrire les programmes de formation ! Notre métier est de ceux qui nécessitent un haut niveau de conceptualisation. Celle-ci a besoin d’une orientation commune du même niveau.
Le progrès est ici considéré comme une transformation de soi en se rendant plus performant.e, plus efficace, plus efficient.e, dans le cadre d’une pratique codifiée correspondant à un champ culturel dont l’enseignant·e va puiser l’essentiel, l’authentique, adapté à son public scolaire et aux exigences éducatives de l’institution.
*Nous faisons ici référence au titre de l’article de René Garassino, juillet-août n° 164, 1980
- Le progrès est ici considéré comme une transformation de soi en se rendant plus performant.e, plus efficace, plus efficient.e, dans le cadre d’une pratique codifiée correspondant à un champ culturel dont l’enseignant·e va puiser l’essentiel, l’authentique, adapté à son public scolaire et aux exigences éducatives de l’institution[↩]
- Carole Sève, La place de la technique. Revue EPS.N° 400. Septembre 2023[↩]
- Idem[↩]